G7 à Biarritz. Solution : annulation

C’est certain, la tenue de ce sommet emmerde de plus en plus monde

paru dans lundimatin#189, le 29 avril 2019

Il ne se passe plus une semaine sans que quelqu’un de directement concerné n’y émette une réserve ou une critique, sans parler de l’augmentation d’opposants affichés et de l’avis général de la population.

Quelques derniers exemples à la volée, déjà connus.

Des habitants et des commerçants de Biarritz qui, loin de croire aux fameuses retombées économiques promises par les organisateurs, s’en iront en vacances et fermeront boutique afin de ne pas supporter les contraintes. Des responsables policiers qui, alertant sur une possible conjonction internationale de tous ce qui « veulent en découdre » parlent d’absurdité, d’énorme connerie de maintenir ce rendez-vous dans cette ville, à ces dates-là. Le maire de Seignosse qui, forcé d’accueillir de nombreuses forces de l’ordre dans sa commune, fait savoir que le G7 plombera sa saison puisque les touristes s’en iront tester d’autres destinations. Le club du Biarritz Olympique qui se voit perturber son calendrier de rentrée, etc.

La tendance s’inverse et le malaise s’en ira grandissant. Les rares défenseurs locaux ont beau feindre une normalité, le soutien clair de la société civile et des élus tardent à se manifester. C’est donc un G7 par défaut qui s’annonce, comme si l’on ne pouvait empêcher l’arrivée d’un bouleversement climatique. On essaie de faire contre mauvaise fortune bon cœur, à l’image du président de l’association des commerçants du centre ville se sentant obligé d’adresser un courrier de motivation à des connaissances : « Tous les commerçants regrettent la période choisie mais nous avons bien compris que Biarritz n’avait pas le choix ». Des bruits de couloir font également savoir que le maire de Biarritz commence, en personne, à regretter de s’être autant enthousiasmé. Et ce maire d’Hendaye qui, pris en porte-à-faux, refuse de prêter ses terrains pour la tenue d’un village des alternatives tout en renvoyant la balle dans le camp du préfet (car ne l’oublions pas, sans sommet, pas de contre-sommet).

On sent donc comme une envie de vite passer à autre chose une fois les grands de ce monde partis. Pour les dizaines de milliers de personnes qui voudront manifester malgré les interdictions à tout va, l’on espère que la casse ne se terminera pas trop en tragédies.

Entre-temps, le feuilleton de l’été risque d’être croustillant. On peut, sans trop exagérer, imaginer nombre de médias en faire les titres : « Biarritz aux abois », « La connexion secrète des ultras pour faire tomber le G7 », et surtout, « Macron sera-t’il en mesure de maintenir son sommet ? ». Car lui seul décidera. C’est cette dernière question qui est fondamentale et le président de la République a de quoi cogiter : le coup de pub international qu’il escompte à la veille de la rentrée politique pourrait se changer en humiliation.

Alors, ce G7, faut-il l’annuler ? En faire la demande placerait le débat sur une échelle intéressante. D’abord, pour rappeler que lorsqu’une initiative est si mal engagée, la maintenir coûte que coûte relève de cécité, d’irresponsabilité. Ce sommet a beau être une énorme machine, personne n’est Dieu.

Ensuite, au Pays Basque, dans un territoire où la majorité de la classe politique s’enorgueillit d’avoir contribué à un climat de paix, il permettrait de faire savoir à qui de droit qu’il est temps d’arrêter les dégâts, le G7 étant une provocation, une déclaration de guerre. Pour la majorité des habitants affectés, ce serait également une occasion de dire franchement « Vous n’êtes pas les bienvenus, allez vous-en » et pour les mouvements d’opposition, l’engagement d’un bras de fer qui peut s’avérer payant, politiquement du moins.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement a déjà perdu la bataille. Il a perdu sa légitimité, son pouvoir d’intimidation. Ajoutez à cela la remise en cause globale d’un système capitaliste qui loin de résoudre les inégalités sociales, l’égalité homme femme ou la biodiversité des océans (thèmes majeurs du sommet), ne fait que les accentuer. Car comment expliquer une quelconque utilité de ce caprice de riches dans un contexte social si tendu ?

Et si le 24 août prochain, les dirigeants de cette planète s’évertuent à vouloir jouer leur comédie contre vents et marées, ils ne feront que percer un peu plus un navire sur lequel ils comptaient débarquer. Ce n’aura pas été faute de les avoir avertis.

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