Enfantillages outillés. Un atelier sur la machine.

« Dessine une machine et essaie de montrer non pas seulement à quoi elle sert, mais comment elle fonctionne. Tu ne sais pas ? Alors imagine. »
Entretien avec Fanny Béguery et Adrien Malcor

paru dans lundimatin#106, le 29 mai 2017

De 2012 à 2013, Fanny Béguery et Adrien Malcor ont mené des ateliers avec des enfants de 4 à 10 ans scolarisés dans la vallée de la Dordogne. Le thème proposé aux élèves était simple : « Dessine une machine et essaie de montrer non pas seulement à quoi elle sert, mais comment elle fonctionne. Tu ne sais pas ? Alors imagine. »

Dans l’entretien qui suit, Fanny Béguery et Adrien Malcor reviennent sur ces ateliers, sur les présupposés de cette tentative et les œuvres qui l’ont inspirée (celles de Freinet et Simondon surtout), revus à la lumière des formes qui en ressortent. Ce faisant, ils tracent l’ébauche d’une pensée écologique de l’enfance, d’une voie de réenchantement des objets techniques. Ils contribuent ainsi à montrer l’importance de l’esprit enfantin dans l’élaboration des possibilités de contrevenir aux ravages du capitalisme et du rationalisme qui le sous-tend.

Un livre, publié récemment aux éditions L’Arachnéen, retrace cette expérience.
[Cet entretien a paru initialement sur le site skhole.fr]

Conduite forcée. Dessin non attribué.
Pouvez-vous présenter les enjeux généraux des Enfantillages outillés tels que vous les avez conçus au départ ? La pratique et les résultats de l’expérience ont-ils confirmé vos hypothèses ? Quels effets imprévus, quelles surprises se sont produits au cours des ateliers ?
Fanny Béguery et Adrien Malcor : Les Enfantillages outillés sont en fait une partie d’un travail plus vaste mené dans le pays de Tulle par un collectif d’artistes, RADO, sur l’invitation d’une association d’éducation populaire, Peuple et Culture Corrèze. Nous avions rapidement décidé de donner à ce travail collectif la forme d’un ensemble d’enquêtes, aussi hétérogène que possible, sur la vie technique du territoire. L’idée de l’atelier venait à la fois de la proposition de Peuple et Culture – travailler avec les habitants –, de la découverte des barrages de la Dordogne et d’un calcul ou pari sur l’équilibre général du projet : en fait, nous comptions un peu sur l’ignorance et l’imagination des enfants, sur leurs erreurs productives, pour apporter un peu de fantaisie à un travail documentaire qui promettait une certaine aridité (qu’il n’a pas eue, à notre avis, mais c’est une autre affaire). Pour ce qui est des hypothèses de l’atelier lui-même, nous n’avions pas lu grand-chose encore en matière de psychologie de l’enfance, et nous pensions les représentations infantiles de la technique sur le modèle des représentations infantiles de la sexualité, des « théories sexuelles », comme disent les psychanalystes. Cet angle psychanalytique a un peu disparu, d’ailleurs, au fil du travail, et il y aurait de quoi le faire revenir, au moins à un niveau spéculatif. La distinction fonctionnement/fonction, elle, devait garantir que nous ne perdions pas la machine en cours de route, au profit par exemple de récits plus centrés sur la vie quotidienne. Ces hypothèses ont-elles été confirmées ? Oui et non. Oui, parce que l’imagination, l’inventivité des enfants a été au rendez-vous, et que la consigne du fonctionnement les a en effet poussés à sortir de certaines habitudes ou stéréotypes (le bonhomme, le « Il était une fois… », etc.). Et non, parce qu’un atelier artistique, surtout dans le format qui était le nôtre, ne peut pas être une expérience de psychologie scientifique, et que l’accès aux supposées représentations infantiles de la technique connaît forcément toutes sortes de biais liés à la vie même de la classe, aux outils aussi, biais qui sont en soi fascinants, mais qui s’interposent entre la consigne de départ et la pure et simple mise en forme par un enfant de ses « contenus » psychiques. Rien d’étonnant là-dedans à vrai dire : un dessin, comme a fortiori une photo, n’est jamais l’image transparente d’une représentation préexistante, quand bien même les enfants dessinent à partir de « modèles internes », comme le montre Georges-Henri Luquet. Les surprises se sont ensuite accumulées tout au long du gros travail de dépouillement qui a suivi l’atelier. Pour ce qui est de la combinaison dessin/photographie par exemple, et de ce qu’elle permet d’entrevoir des processus mentaux enfantins, les résultats sont allés bien au-delà de nos attentes, puisque nous nous retrouvons avec de vraies questions, voire des énigmes. Le livre s’est en partie construit sur ces découvertes entre dessin et photo, et, pour faire un bilan à leur hauteur, nous avons dû repartir non pas des représentations, mais du geste, au sens large : le rôle du texte théorique qui conclut le livre était d’apporter ce correctif par rapport aux hypothèses de départ, en intégrant les biais et questions dont nous venons de parler. Des gestes et des outils, donc, dans leur combinaison en classe, au sein d’un collectif d’enfants qui interagissent (discutent, se copient, etc.)
Réservoir d’essence. Dessin de Lenny Freignac (7 ans).
Qu’est-ce que l’expérience des Enfantillages outillés montre, selon vous, quant aux possibilités de la « pratique artistique » à l’école ? Qu’est-ce que cette expérience a d’original par rapport aux pratiques plus conventionnelles, et en quoi pourrait-elle en inspirer d’autres ?
Nous espérons que les Enfantillages outillés montrent ou rappellent que l’on peut brancher l’activité artistique sur les processus de connaissance. Aucun enseignant n’y sera opposé ! L’originalité des Enfantillages outillés – originalité relative sans doute, et qui ne nous est pas apparue d’emblée –, c’était que notre consigne était une question, un appel aux enfants dans l’ordre de la connaissance : « Comment fonctionne une machine, selon toi ? » Du coup l’activité artistique accompagnait, supportait un processus de connaissance, et vice versa. Nous pensons que cela peut inspirer des enseignants comme des artistes, s’ils sont eux-mêmes animés d’un désir de connaissance, portant en particulier sur la pensée des enfants, dans ses formes spécifiques. Il faudrait ensuite se mettre d’accord sur ce que sont les pratiques conventionnelles. Nous ne sommes pas tout à fait qualifiés pour faire un diagnostic, mais la situation paraît assez grave. Dans les petites classes, d’après ce que nous voyons autour de nous, les activités dites artistiques sont mises au service de l’apprentissage de la « motricité fine », de l’écriture, quoi. La pensée graphique n’est pas seulement instrumentalisée, elle est niée. Les choses se diversifient ensuite, mais à notre avis, ou plutôt de notre point de vue, les consignes officielles de l’Éducation nationale en matière d’enseignement artistique ne sont qu’une traduction pauvre d’une doxa de l’art contemporain elle-même très pauvre, formée dans les années 1980 sous le nom de « postmodernisme ». Tout tourne autour de l’« expérimentation », de la « diversité des techniques », de jeux de reprises, de pastiches. Tout cela, en soi, est très bien, mais enferme l’activité artistique en elle-même, et dans une conception récréative, plus ou moins formaliste, et pour tout dire très artificielle (in vitro). Ce tropisme « multimédia » est aussi éloigné d’une véritable « culture des matériaux », pour reprendre une formule de Tatline, que les jeux postmodernistes d’allusions historicistes le sont de la culture moderne des opérations, pour l’appeler comme ça. Et il faut bien le dire, cette dimension de réflexivité, toute cette grande finesse atteinte par l’art du xxe siècle dans la pensée des opérations (conceptuelles, langagières, techniques…), eh bien les enfants s’en moquent ! C’est-à-dire qu’au mieux ça les amuse deux secondes, dans des cas simples, comme de photocopier un dessin représentant une photocopieuse pour prendre un exemple dans les Enfantillages outillés, mais ils ne pensent pas conceptuellement l’articulation des outils, des opérations. C’est aux artistes/enseignants, éventuellement, de la penser, mais cela ne peut que se faire qu’en amont de l’atelier, comme programme de travail, et en aval, à partir d’une vraie réflexion sur les formes obtenues. Nous savons bien que les enseignants n’ont pas forcément ni le temps ni le goût d’élaborations de ce genre. C’est dommage (on nous dit regretter que le livre ne fournisse pas des protocoles d’ateliers « clé en main »...). Mais les artistes invités, eux, ont ici une responsabilité, s’ils croient à l’art comme pensée. Nous pourrions ajouter qu’à nos yeux, le livre fait partie de l’atelier. Nous pensons qu’il faut essayer d’aller le plus souvent possible jusqu’à la « publication », au sens large, des travaux artistiques à l’école, que la classe peut ainsi s’ouvrir dans l’espace public, non seulement dans l’intérêt des enfants, mais dans celui de l’espace public.
Machine à yaourt. Dessin d’Élisabeth Kurtaj (7 ans).
Barrage. Dessin de Liu Feldis (8 ans).
En quoi les Enfantillages outillés prolongent-ils la démarche de Célestin Freinet ? En quoi s’en distinguent-ils ?
Cette ouverture dont il vient d’être question, c’est – dites-nous si nous nous trompons – Freinet qui l’a pensée et mise en pratique le premier : il en allait de la motivation des élèves, de leur besoin d’expression. De même, et c’est lié, le lien entre activité artistique et enquête documentaire nous vient sans doute de Freinet, même si nous avons eu quelques singuliers passeurs, l’artiste Marc Pataut en particulier. Il y a des objets dans l’école Freinet : les journaux d’école, la Bibliothèque du travail, qui ont aujourd’hui pour nous ce triple intérêt artistique, psychologique et historique (et le tout forme une archive sous-utilisée, semble-t-il). Dans les Enfantillages outillés il y avait bien sûr ce côté hommage à Freinet dans le recours à la linogravure. Freinet, c’était surtout pour nous « L’Imprimerie à l’école », avec cette idée de coopération entre les enfants, entre la main et l’esprit aussi, pour une recherche qui est toujours un processus de fabrication mené de bout en bout par les enfants. Ici, faute de temps, les Enfantillages outillés ne sont pas allés assez loin, mais nous pourrions inclure dans le processus nos propres recherches historiques et théoriques, en grande partie postérieures à l’atelier proprement dit. Ce serait d’ailleurs une manière de les justifier auprès de lecteurs moins portés que nous sur ces domaines : il y a pour nous une nécessaire homologie entre le caractère transdisciplinaire du livre (disons entre art, psychologie, technologie et pédagogie) et le projet de « décloisonnement » des matières scolaires au cœur de la pédagogie Freinet. Cette recherche, chez Freinet et ses disciples, de continuité et de complexité, fondée sur les intérêts des enfants, est très sensible dans le merveilleux film de Vittorio De Seta, Journal d’un maître d’école (Diario di un maestro, 1973), que nous conseillons vivement aux lecteurs de skhole qui ne l’auraient jamais vu. Ce qu’on voit dans ce film, entre bien d’autres choses, c’est l’aspect immédiatement transversal, polytechnique et « polyscientifique », d’une activité scolaire branchée sur la vie, sur le milieu des enfants ou adolescents : on peut passer de la biologie des lézards à des problèmes de morale, par exemple. Et « recherche de continuité » n’est sans doute pas la bonne formule. Car la continuité n’est pas ici l’enjeu d’un projet néo-encyclopédique d’unification ou de réunification des savoirs, tel qu’il apparaît par exemple chez l’auteur qui nous a le plus servi, Gilbert Simondon ; la continuité est bel et bien celle du milieu de vie des élèves. Dit autrement, la solidarité organique des savoirs n’est pas le but à atteindre, elle est première, c’est la continuité du vivant lui-même, une nécessité vitale émergeant d’un « fond dynamique », sans visée de totalisation. Pour revenir aux Enfantillages outillés, les barrages ont une grande place dans le territoire des enfants avec qui nous avons travaillé, quand bien même ils ne les visitent pas tous les jours : il y a des histoires de famille, des légendes, cela fait partie du milieu de vie, avec sa dimension imaginaire. Ce n’est pas rien, cette idée du milieu de vie, c’est quasiment un outil de travail chez Freinet, mais c’est aussi le concept fondateur de l’écologie bien comprise. L’écologie à l’école, ce n’est pas parler aux enfants des petits oiseaux et des éoliennes, c’est sentir et faire sentir à l’enfant que l’école est un milieu de vie, pris dans un certain rapport (continuité ? contiguïté ?) avec d’autres milieux de vie, familiaux, technologiques, etc. Mais vous savez ça mieux que nous, sans doute. En quoi les Enfantillages outillés n’étaient pas tout à fait du Freinet, c’est plus difficile à dire. Le travail de publication nous a amenés à individualiser jusqu’à un certain point la présentation des travaux, pour rendre compte de certaines singularités, quand un freinétiste pur jus aurait peut-être mis davantage l’accent sur les procédures de coopération entre enfants. Du même coup, notre propre voix a pris une grande place dans le livre : nous avons tenu à commenter, à interpréter les travaux, et le montage lui-même, que nous avons beaucoup soigné, est une interprétation, comme chacun sait. En quoi tout cela éloigne les Enfantillages outillés de Freinet, ou pas, nous espérons que les freinétistes nous le diront… L’époque a changé bien sûr : Freinet visait un mouvement de masse, l’émancipation d’une classe ouvrière-paysanne par la réappropriation du Travail avec un grand T. Nous n’en sommes plus là, bien qu’à certains égards, sans doute, le fond du problème n’ait pas tant changé que ça. Et puis, répétons-le, nous ne sommes pas enseignants mais artistes : le cahier des charges doit nécessairement différer un peu. Reste que, quant à Freinet, nous avons le sentiment d’avoir été plutôt orthodoxes…
Impression d’une gravure (Le Barrage) sous le préau de l’école de Saint-Martin-la-Méanne, le 18 juin 2013.
Dans les Enfantillages outillés, il y va d’une certaine conception de la technique, inspirée notamment de Gilbert Simondon. En quoi le rapport enfantin à la technicité et aux machines vous paraît-il porteur d’une « sagesse technique collective » et d’une « culture polytechnique réenchantée » ?
Nous devons préciser ces termes. La « culture polytechnique » n’est pas pour nous celle d’un supposé super-ingénieur polyvalent, omniscient, omnipotent. Ce technicien d’élite n’existe pas, s’il a jamais existé un jour (Léonard de Vinci peut-être ?) : on ne le trouverait sûrement pas parmi nos actuels « polytechniciens », qui sont de plus en plus des financiers, paraît-il. Au contraire, nous pensons à une non-spécialisation originaire, assumée, anti-élitiste, avec ce qu’elle suppose de curiosité, de bricolage cognitif et épistémologique. Est-ce encore la polytechnique « historique », qui était chez Marx une critique de la division du travail ? Pas sûr. Nous tenons à dire que nous n’avons rien trouvé de très complet sur la question. Visiblement, l’histoire des transformations de l’idée polytechnique depuis Saint-Simon et Marx jusqu’à Freinet, aux mouvements d’éducation populaire et peut-être aux actuels makers reste à faire. Elle croiserait sans doute l’histoire de l’art moderne en plusieurs points, et il y a plusieurs généalogies à reprendre : nous pensons au marxisme de William Morris, fondateur d’Arts & Crafts, ou au fouriérisme de Robert Filliou, qui est un grand artiste de l’enfance. En appelant au réenchantement, nous ne sommes pas très originaux. L’idée que la rationalité technique a désenchanté le monde est devenue une scie de la pensée, et elle contient évidemment une part de vérité, de vérité subjective. Le réenchantement est du coup un mot d’ordre assez consensuel, une réponse un peu automatique à la crise de civilisation : il faut réenchanter le monde, réenchanter l’école, etc. C’est même très souvent un mot magique en soi, une invocation vide, car, parmi les innombrables promoteurs du réenchantement (ça va jusqu’au MEDEF !), rares sont ceux qui se risquent à pointer un quelconque réservoir d’« enchantement », c’est-à-dire de magie, de fantastique, ou simplement de poésie (de « chant », de lyrisme). C’est quand même problématique.

Simondon, lui, a pensé un processus de désenchantement proprement technique (et non rationaliste-capitaliste) et a proposé un concept progressiste de magie, qui passe par le lieu, le paysage, la géographie, avec l’idée écologique qui traverse toute sa pensée en tant qu’elle est une pensée du milieu. Nul ne niera, en tout cas dans notre camp, que ce type de lien entre écologie et magie soit précieux. S’il faut urgemment réenchanter le monde, c’est aussi pour le sauver des griffes rapaces du capitalisme, et sans doute on ne le sauvera pas sans le réenchanter. La « sagesse technique collective », dans ce sens, c’est simplement l’écologie politique.
Car il y aurait sagesse selon nous à délaisser certaines batailles idéologiques stériles pour considérer, localement toujours, une certaine couche de réel, qui est l’évolution plus ou moins contrainte, orientée, des systèmes techniques. Ici l’école a sans doute un grand rôle à jouer, de formation, d’information. Tout laisse à croire que si l’enseignement de la technologie est si peu développé à l’école aujourd’hui, c’est pour des raisons politiques, de maintien des privilèges de classe (de la domination méta-démocratique des polytechniciens pronucléaires, par exemple). Les débats se concentrent aujourd’hui sur la place des « écrans » dans la vie des enfants et à l’école ; c’est très insuffisant d’après nous : ce n’est pas assez polytechnique.

Et encore ce n’est là qu’une dimension, la dimension politico-pédagogique. Nous avons en tête quelque chose de plus vaste et aventureux, qui passerait par le point de vue des enfants eux-mêmes, et non pas comme des citoyens-travailleurs en puissance, mais comme des penseurs et des créateurs, avec une curiosité, une imagination, un esprit de jeu que les adultes admirent, mais qu’ils ne savent pas prendre au sérieux, c’est-à-dire importer dans la culture.
Nous pensons en effet qu’il faut promouvoir la pensée des enfants dans la culture, y compris et surtout dans ce que cette pensée a de moins « sage », de moins soumis au principe de réalité (et peut-être là surtout faut-il aller plus loin que Freinet). Dans le texte théorique qui conclut le livre, nous renvoyons brièvement à un texte de l’anthropologue brésilien Eduardo Viveiros de Castro, qui fait une distinction très stimulante entre anthropomorphisme et anthropocentrisme, en montrant que certains systèmes de croyances des Indiens d’Amazonie supportent une écologie magique très raffinée, anthropomorphiste, mais décentrée, perspectiviste. Alors on peut potasser les mythes et les rites amazoniens, il faut sans doute le faire, mais il ne faut pas oublier que tous les jours autour de nous les enfants anthropomorphisent et animisent joyeusement (et on n’a pas forcément besoin de Wallon ou de Piaget pour le voir). Voilà une voie de réenchantement ! Et seul l’art, et non pas l’esthétique, fût-elle une « techno-esthétique », peut nous permettre d’emprunter cette voie magique, d’entrer dans cette perspective ; car les images mentales doivent se concrétiser en objets, en poèmes, etc., pour entrer dans la culture. C’est du moins ce que permettrait de penser le Simondon théoricien des « cycles de l’image » ; c’est en tout cas ce que nous pensons.
Et cela suppose des recherches, toutes sortes de tentatives, pour que les enfants réels soient mis à contribution, et non simplement une enfance romantique ou fantasmée, qui a par ailleurs son importance et son efficace. Alors, quand les enfants seront un peu plus aux manettes (car ils les veulent, les manettes !), on pourra polémiquer sur de bonnes bases, à la fois contre les technophiles et contre les technophobes. « Notre patrie c’est l’enfance », dit le Comité invisible. Or les enfants aiment les machines, pour des raisons psychologiques complexes. Pourquoi la plupart des militants les détestent-ils tant ?
Nous sortons de la pédagogie là, même si nous ne sortons pas forcément de l’école. Et si nous sommes encore dans une sagesse, c’est une sagesse à la Érasme, une sagesse qui intègre la folie, une folie qui est ou a été la nôtre, celle de tous les humains.

Le Barrage. Linogravure collective (150 x 300 cm) réalisée par les enfants des trois écoles (Saint-Martin-la-Méanne, Hautefage et Marcillac-la-Croisille).

L’entretien a paru initialement sur le site skhole.fr

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