En Marche (#VersLaChute)

paru dans lundimatin#103, le 9 mai 2017

Nous ne sommes pas en marche
Nous ne marcherons plus jamais
Nous ne resterons plus jamais
Calmes
Le nez baissé
Nous ne nous plaindrons plus
Nous ne sommes pas en marche
Nous courons extincteurs à la main vers le feu tricolore
Nous ne nous arrêterons plus
Ni au rouge
Ni aux mots qui feraient dire
Du calme

Nous ne sommes pas en marche
Nous ne marcherons plus
En regardant au bord
Ce que disent les panneaux
Nous ne sommes pas en marche
Mais terré.es
Immobiles
Comme des chien.nes d’arrêts
Attentif.ves
Le corps et l’âme tendus
Vers tout ce qui ressemble à une fissure
À un cri
À un flic
À des ami.es
À des ennemi.es
À du présent
Nous ignorons demain puisque même les murs le disent
Demain est annulé

Nous ne sommes pas en marche
Et ne choisissons pas entre les têtes de l’hydre
Nous les couperons toutes
Pour s’en faire des chapeaux
Nous ne sommes pas en marche
Nous planons en zig-zag
Entre les lacrymos
Et les analyses vaines
Puisque rien n’est plus triste
Que d’être réaliste
Nous ne sommes pas en marche
Nous fuyons la question
La torture
La gégene
Les fils branchés direct sur le cerveau
Nous fuyons votre envie de définir ce nous

(Ce nous c’est toi qui a six ans et vole un bonbec)

Nous ne choisissons pas
Entre vivre pour travailler et travailler pour vivre
Nous travaillons la vie
Et cherchons dans chaque recoin de terre
Celles et ceux qui en manquent
Qui en veulent
Ou qui en ont de trop

(Ce nous c’est toi qui a cinquante ans et jette ton ordi par la fenêtre de ton bureau)

Ce nous n’existe pas
Ce nous ne marche pas
Ce nous ne choisit pas
Il n’y a que nous
Qui savons qui est nous
Et qui ne l’est pas

(Ce nous c’est toi qui balance une pierre et te barre en riant)

(En criant)
Je ne marche pas
Je suis déjà loin devant
Et loin dedans
Et le chemin est là

(Ce nous c’est toi qui soudain lève le nez de ton écran et prend en pleine gueule la tristesse du métro.
Ce nous c’est toi qui comprend que fièrement s’indigner est une autre façon d’accepter.
Ce nous c’est toi qui t’es cru.e insoumis.e le temps d’un dimanche.
Ce nous c’est toi qui tout à coup n’entend plus rien au flux des mots qui tapent l’incruste dans ton crâne.
Ce nous c’est toi qui t’imagine debout derrière une ligne blanche, incapable de faire un pas.
Ce nous c’est toi qui te surprend à vouloir tout cramer.
Ce nous c’est toi qui réalise que les ami.es qui t’entourent sont le seul véritable parti.
Ce nous c’est toi qui te découvre sur la terre et sous la peau un nouveau nous qui grouille, qui apprend, qui s’organise et n’attend plus.)

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