Éloge de l’imprévu II - Sur l’occupation du lycée Charlemagne

En quelques images : ce qu’il s’est passé et ne s’est pas passé le vendredi 1er juin au lycée Charlemagne.

paru dans lundimatin#148, le 7 juin 2018

"En avril, on avait occupé la rue pendant cinq jours, on était si enthousiaste qu’on l’avait raconté dans un premier Éloge de l’imprévu. Ça n’a pas plu aux flics, qui sont restés devant le lycée presque tous les matins du mois de mai, de 5h à 10h. Mais on a réessayé, on s’est alors systématiquement fait débloquer, menacer, on a même eu une amende de 68 € pour tapage diurne. 68, même les flics commémorent. On s’est fatigué, ils sont meilleurs que nous au jeu de l’usure – et ça tombe bien, on en avait marre de bloquer. Puisqu’on nous prenait la rue, il nous fallait prendre le lycée. Et, après ce qui s’était passé à Arago le 22 mai, il n’était plus question d’attendre ni d’avoir peur : riposter en occupant, au plus vite.

En quelques images, on a essayé de raconter ce qui s’est passé et ne s’est pas passé le vendredi 1er juin au lycée Charlemagne."

La vidéo précède le communiqué publié à la suite de l’expulsion.

CHARLEMAGNE OQP EN ATTENDANT, ON S’OCCUPE

Le mardi 22 mai, à 18h, est arrivé ce à quoi nous nous attendions. Nous n’avons presque pas été surpris. Presque. Des centaines de milliers de lycéens sur liste d’attente, des milliers de lycéens explicitement recalés, une communication gouvernementale hypocrite et méprisante. Nous ne sommes pas dupes, les listes d’attente ne sont qu’une énième manière de mettre en attente la colère, de neutraliser la rage. On nous voudrait génération en attente. C’est raté.

Le mardi 22 mai, à 18h, nos amis ont essayé d’occuper le lycée Arago. Ils étaient 102. Ils ont tous été interpellés et gardés à vue 48h. 67 d’entre eux ont été déférés devant le parquet, certains mis en examen. Ils sont entrés dans un lycée, s’y sont barricadés et ont commencé à parler. Ils ont commis le délit de remplacer l’étude par de la vie. Deux heures plus tard, certains étaient dans un parking de commissariat, dans un car, à soixante, sans contact avec l’extérieur, pendant plus de quatre heures. Puis dans une cellule. Puis dans un tribunal. De Parcoursup au tribunal, jugement perpétuel.

Le gouvernement imagine qu’il nous fait peur. Mais c’est lui qui tremble, sa communication s’effondre, il n’y a plus que le vide de ses mots et de ses algorithmes.

Depuis le début du mois de mai, il n’y eut quasiment pas un jour sans que les flics veillent sur nos lycées, pas un jour sans qu’ils empêchent toute tentative de blocage, pas un jour sans qu’ils évacuent ceux qui se décident à les habiter. Le gouvernement croit qu’il peut nous faire disparaître. C’est raté. Nous sommes en juin, et mai déborde.

Aujourd’hui, vendredi 1er juin 2018, nous occupons le lycée Charlemagne, à Paris, depuis 18h, afin d’imaginer ensemble l’avenir après le désastre macroniste. Nous sommes lycéens, nous venons de tout Paris. Nous n’avons pas peur. Nous comptons rester. Nous appelons toutes les composantes du printemps en cours à nous rejoindre. Nous exigeons évidemment la relaxe de tous les inculpés du 22 mai.

Qu’ils nous sélectionnent, qu’ils nous interpellent, qu’ils nous gardent à vue, qu’ils nous mettent en examen, nous n’attendrons pas. Nous n’attendons rien. Cela fait longtemps que nous n’attendons plus rien de ceux qui croient nous gouverner.

Mai n’est jamais fini.

Les occupant.e.s du lycée Charlemagne

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