Éléments de décivilisation - Partie 4

« L’usage, c’est toute une histoire. »

paru dans lundimatin#193, le 27 mai 2019

Chères lectrices, chers lecteurs, si vous n’avez pas lu les épisodes précédents de ces Éléments de décivilisation, passez votre chemin ! (Ils se trouvent ici, ici et ici.) Non pas que cette 4e partie risquerait de vous spolier une intrigue haletante mais parce que le déploiement théorique tenté ici nécessite d’avoir bien en tête ceux opérés préalablement. Nous avons signalé à l’auteur que notre rédaction s’était elle-même partiellement paumée au cours de son argumentation mais il nous a promis que tout s’éclairerait grâce à la 5e partie et que nous nous sentirions dès lors moins bêtes.

Partie 4 - USAGES DE LA VIOLENCE (1/2)

Précautions d’emploi

Comment ne pas être enfermé dans ce que l’on est ? Comment agir sans consommer ou être soi-même consommé ? Comment faire sans produire ? Au bout de notre exposé de l’usage, on devra en savoir plus sur la question.

Cette question revient à substituer aux opérations prédatrices les usages de la violence. Dans cette perspective, tout usage est usage de la violence. Mais, si l’on veut situer la question, on doit d’abord distinguer entre les sens existentiel et historique du combat. Le combat existentiel, c’est dans les formes mêmes qu’on va le trouver. On doit pouvoir exiger de chaque forme cette aptitude à se battre dans ce sens-là, qu’on va devoir ici explorer. Dans le combat historique, en revanche, toute forme n’est pas indiquée pour jouer un rôle autre qu’anecdotique, et aucune ne peut le faire à elle seule, en elle-même.

D’un point de vue restreint, le combat historique concerne les usages tactiques : la violence politique qu’on laissera ici hors-champ. Il y a une spécificité des usages tactiques, mais on ne peut nullement faire reposer sur eux seuls le combat historique. Mais centralement, le combat historique concerne la mise en ordre de bataille des formes (stratégie). On en a donné une esquisse à travers la parabole de Jurassic Park [1]. 1) Les usages opèrent à l’interruption de la clôture civilisée, dans le débranchement des dichotomies. 2) Autrement dit, ils ont tous leur origine dans un événement : une interruption faisant une sorte de court-circuit dans les installations objectives, où entre en connexion ce qui normalement ne le devrait pas. 3) La vocation des usages est d’envahir la prison [2], d’entrer dans le monde, de prendre le parti du réel. Dans cette perspective, le combat historique enveloppe un nouvel art de la stratégie (qui sort de la pensée entrepreneuriale en objectif/moyens/résultats), une nouvelle pensée du parti et du sentiment d’appartenance [3].

Venons-en aux formes éthiques. Précédemment, on a dû démontrer qu’on disposait d’instruments adéquats de détection du mal, aptes à éviter toute « indignation sélective ». À présent, dans la présentation des formes, on doit démontrer qu’on n’avance pas, sous de bonnes intentions, quelque chose de profondément décevant. Décevant pour être capturable/consommable à court, moyen ou long terme. On n’a pas vraiment fait preuve de facilité dans la définition du mal, reste à présenter des formes d’affirmation qui, tout simplement, ne se ramènent pas au mal. Pour ce faire, on conservera auprès de soi la triple réduction objective comme un talisman, un moyen de détecter le mal pour pouvoir le repousser.

Il ne suffit pas de dire qu’on s’oppose aux formes-objets. Il faut se donner nouvellement de nouvelles formes. Il a donc d’abord fallu faire la preuve de l’existence de formes non-objectives. Cela renvoie à la genèse de la chose, qu’on va compléter comme genèse de l’usage. Très schématiquement, la rencontre se joue entre l’indétermination, la chose et le monde. La chose est au milieu, mais on ne peut pas la comprendre isolément. Or, c’est très exactement ce que fait la production. La production de l’objet, arrachant la chose qui est au centre, veut chosifier indétermination et monde (ou forme). De cette façon, la chose est coupée et de son événement et du monde [4]. Dans la perspective de la chose comme événement, il ne s’agit pas simplement de dire que des conditions non-objectives sont possibles : elles sont le réel même. Les conditions objectives sont quant à elles toujours possibles [5], possibilité qui est toujours celle d’un épuisement. Soit la thèse ontologico-politique centrale : les choses ont une charge de commun que les objets désamorcent.

Dès lors, que signifie « prendre le parti du réel ? » Parler du réel, c’est toujours formuler l’absolu [6]. L’absolu est pour nous la rencontre. L’usage, c’est la question : comment être auprès de l’absolu. L’usage, c’est l’accès au monde envisagé comme pratique. Or, pour un humain, la voie du réel est la chose la plus difficile. C’est tout l’enjeu de la décivilisation. Politiquement, il s’agit de créer du possible. Et si vous créez du possible, c’est qu’il était impossible.

Formes = usages

On a identifié les conditions objectives, dont la légende civilisée dit qu’elles sont le réel, comme des conditions d’extinction, d’épuisement. Se donner des formes, dès lors, c’est retrouver des conditions d’existence, que l’on cultive. Pour une part, cela suppose de considérer que jusqu’ici on n’a pas réellement vécu (geste de négation). Pour une autre part, il faut être capable de reconnaître ce que l’on cherche dans ce que l’on vit, et donc de reconsidérer ce que l’on croit avoir vécu, de jeter dessus un tout autre regard (geste de reconnaissance, de repérage, de prospection).

C’est dans la reconnaissance même que la piste se réchauffe. En effet, reconnaître, c’est aussi rencontrer dans les choses ce qui nous anime – définition qu’on a donnée de la forme. Dans la forme, il y a au moins trois coordonnées (la rencontre ; n’importe quelle chose ; le monde comme ce qui nous anime). Quand on s’efforce à considérer cela tout d’un bloc, on comprend qu’une forme ne se laisse saisir qu’au vol. On ne la comprend pas : on la surprend. L’éthique est de surprendre un monde.

Avoir une forme, c’est ce qui se passe à chaque fois qu’on rencontre dans les choses ce qui nous anime, qu’on rencontre le monde dans les choses. C’est par ce chemin qu’on se confronte au mal, qui regroupe toutes les procédures d’obstruction au monde. Or, cette conception de la forme, on la reconnaît dans les usages, les techniques, les habitudes [7]. Un usage est l’occasion de rencontrer, dans une chose, ce qui nous anime. Réciproquement, cela engage une redécouverte de ce que l’usage signifie.

Formule de l’usage

Voici comment Pacôme Thiellement parle de l’usage des séries télé.

« Les scénaristes et les spectateurs se trompent sur ce qu’ils sont en réalité en train de faire. Ce qu’on fait quand on regarde une série, c’est qu’en fait, on met notre âme en connexion avec des forces qui sont dans cette fiction-là et qui nous informent de comment on va devoir continuer notre vie. Ça nous apporte des choses pour changer notre vie. C’est ça qui importe.

Toute œuvre d’art est comme ça. Une œuvre d’art, sa fonction, ce n’est pas tant d’être regardée pour le plaisir ou pour passer son temps ou pour la culture, tout ça on s’en fout. Ce qui importe c’est comment ça va changer notre vie, c’est ça qui compte. Et ça ne se joue pas au niveau informationnel. Ça ne se joue pas au niveau d’une intrigue qu’il va falloir résoudre. La véritable énigme qu’il y a dans une œuvre, c’est comment elle est capable de nous regarder, c’est ce qu’elle est capable de dire sur nous, ce qu’elle est capable de nous faire qui va nous transformer. Comment elle va changer notre vision du monde, et en changeant notre vision du monde, changer notre manière d’agir, et en changeant notre manière d’agir, changer notre vie. En gros, ce que font les fictions, c’est qu’elles nous parlent de nos potentiels. Elles nous disent : ’Vous pourriez être ça, vous pouvez être ça’. Ça c’est des choses que les fictions font. »

Saisir au vol la forme, c’est d’abord se surprendre à l’intérieur de la forme. On entre dans certaines choses, pour nous infinies, on entre comme ingrédient, comme matière. Il faut adopter le point de vue de la particule, la particule aux prises avec certains champs d’attraction. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, c’est un point de vue collectif : être ingrédient, c’est se rencontrer avec d’autres dans une chose.

Tâchons, de manière bégayante, par ajouts successifs, de suivre la recette point par point.

Que faut-il pour faire usage ?

Prenons un usage déterminé. Cet usage, c’est une chose. Par exemple, une série télé. Qu’est-ce qui justifie que cette chose soit un usage ? Il suffit que d’autres choses (par exemple, moi) en fassent usage, autrement dit s’y rapportent comme quelque chose d’infini.

Si l’on ne veut pas s’égarer, il faut donc distinguer, dans l’usage, entre d’une part la chose en usage, de l’autre ce qui entre dans cette chose, les ingrédients. En sorte que l’usage proprement dit est en réalité l’événement de cette entrée dans une chose. Distinguer suppose ici qu’on ne peut réduire l’un des deux termes à l’autre. L’usage est l’écart maintenu entre les deux.

L’usage, c’est toute une histoire.

Il y a ce qui entre. Notons d’abord : il faudra se demander les conditions de l’entrée. Ce qui entre se rencontre : il y a là des ingrédients, de sorte que ce qui compte n’est pas ce qu’ils sont ailleurs, mais ce qu’ils font ensemble ici.

Ce qui entre se rencontre, et se rencontre ici, dans une chose en usage. Ce qui se rencontre, en se rencontrant, rencontre le monde – les « potentiels » ou plutôt, le combat qu’ils se livrent. La chose elle-même est bien quelque part : dans le monde. Ainsi, on rencontre une limite, et cette limite est le monde. Soit la formule de l’usage : ce qui entre se rencontre, et rencontre dans la chose en usage une limite qui est le monde.

La chose en usage : conditions

Comment savoir si telle chose est un usage ? Il suffit qu’elle soit en usage pour d’autres. C’est le premier critère ! Personne ne peut vous indiquer ce qui va pouvoir constituer pour vous un accès infini, personne ne peut vous indiquer dans quelles choses singulières vous êtes auprès de l’absolu. Et si vous y trouvez l’absolu, c’est qu’il y est. Ces choses-là, on peut seulement vous aider à les reconnaître (comme on reconnaît quelqu’un dans la rue), et vous dire quelles sont les conditions générales de l’accès. On ne peut pas vous apprendre ce que vous aimez. Mais on peut vous dire que, dans ce que vous aimez et ce que vous détestez, dans leur perte même, vous allez à la rencontre de votre propre question, de votre monde.

Le premier critère négatif est donc : impossibilité de l’interdiction de l’usage. N’importe quelle chose peut être un usage. On peut même faire usage d’un objet, à condition de retrouver l’événement qu’il recouvre. La seule exception étant qu’on ne peut naturellement pas faire usage d’un dispositif de prédation/production. Ce qui existe pour produire, on doit le détruire soit purement et simplement, soit en lui interdisant de produire, ce qui revient au même.

Le deuxième critère négatif, c’est qu’on ne peut pas rendre un usage obligatoire. La chose en usage est la condition nécessaire mais non suffisante de l’usage. La question est ici plus complexe. D’une certaine manière, l’usage, c’est la nécessaire coïncidence entre un rapport à quelque chose, et le fait qu’il se passe quelque chose. Usage = rapport comme événement. L’événement n’est pas nécessairement l’extraordinaire, ni le positif. Nos usages sont des habitudes, des techniques, des lieux, des choses telles que, si l’on y entre, il se passe quelque chose à chaque fois. Même quand c’est pour faire le constat collectif d’un échec, d’une défaite, même quand tout le monde se dira « il ne s’est rien passé, c’est nul », cela vérifiera que l’usage est vivant. « Il se passe toujours quelque chose » n’exprime pas l’obligation de l’intensité, mais la nécessité de disposer, dans l’usage, d’une sorte de poste avancé sur le monde, depuis lequel on est capable de dire ce qui reste à faire et à défaire, ce qui manque. Le pire, ce n’est pas la défaite ou l’ennui, le pire c’est de n’avoir nulle part où pouvoir se confier. Le pire, c’est quand la confiance n’a plus nulle part où aller. On risque alors de complètement perdre le nord.

On l’a dit : dans l’usage-événement, il n’y a pas que la chose en usage, il y a aussi ce qui entre. Quand il y a usage, c’est qu’on est entré. Pour autant, on peut fréquenter, pratiquer, une chose en usage sans qu’il se passe quelque chose – cela arrive même tout le temps. Il faut alors savoir se dire qu’on n’est pas entré. Et au moment fatidique où il ne se passe plus rien à chaque fois qu’on entre, c’est qu’on n’entre plus : on reste à l’extérieur, l’usage est mort [8]. C’est la limite inférieure de l’usage. Ainsi, il ne suffit pas d’une chose en usage pour que l’usage ait lieu : encore faut-il pouvoir y entrer. Le propre de l’événement est de ne pouvoir ni être interdit, ni être rendu obligatoire. Si je pense que l’usage est obligatoire, je l’empêche. On peut et on doit donner une portée politique à des usages, en les déclarant nécessaires. Mais inciter à tel usage en le reconnaissant comme nécessaire, ce n’est jamais s’assurer qu’il va avoir lieu [9].

Le troisième critère négatif, c’est qu’il ne peut pas y avoir qu’un seul usage. Si je n’ai qu’un usage, je le confonds avec le monde. Or, le monde ne se donne que dans des choses déterminées, et jamais en lui-même. Dans les choses, on n’a jamais que des négatifs du monde, ses empreintes. Il faut ainsi radicalement dégager notre rapport au monde de tout positivisme. Si je n’ai qu’un usage, mon rapport au monde ne passe que par une chose, et celle-ci devient en réalité une condition d’incarcération [10] parce que je ne peux plus faire la différence entre chose et monde. Ainsi, un monde commence quand on a au moins deux choses en usage. Si j’ai deux choses, je sais déjà qu’aucune des deux ne suffit.

Le quatrième critère négatif, contre l’universalisme : l’usage n’est pas une partie d’un tout. Prenons une chose en usage, un lieu collectif. Un lieu collectif fonctionne comme partie quand il est un local parmi d’autres. Or, une chose en usage ne peut être ramenée à une simple partie d’un tout. Ce serait en faire un objet, et il n’y a pas « d’objet en usage ». Cette conception produit la figure de l’usager : « celui qui agit conformément à » (telle condition objective). Quand je considère qu’un lieu est un instrument fait pour mettre en œuvre des activités, quand cet instrument a sa place dans l’ensemble de tous les lieux du genre, j’en deviens l’usager. Le propre de l’appartenance objective tient dans une sorte de réciprocité de la politique de contention (containment) : le lieu est une partie d’un tout, pour autant que l’usager et l’activité s’y agencent et s’y conduisent respectivement comme une de ses parties. Tout se tient, tout se contient. Par conséquent, le lieu est bloqué en cale sèche, ce n’est pas un vaisseau engagé dans la poursuite de l’aventure collective.

Le cinquième critère négatif (lié au 3), contre le particularisme : l’usage n’est pas le tout. Il ne peut fusionner avec le tout. L’usage n’est pas le monde. On ne doit pas attendre de telle technique, de telle habitude, de telle passion, de telle amitié, qu’elle soit pour nous le monde. Cet écueil implique d’un côté une déception programmée, puisqu’on attend trop. De l’autre, l’épuisement de tout ce qui entre, puisque cela suppose un abandon sans réserve, sans dehors, sans point de comparaison, dans une chose qu’on ne sait plus voir comme une chose.

L’horizon a beau être peint partout sur les murs, il n’y a pas de fenêtre. Quand on ne s’en sort plus, c’est qu’on n’est pas encore entré. Quand on prend une chose pour le tout, la panique n’est pas bien loin. D’une manière générale, n’importe quelle chose peut nous submerger, et on ne construit qu’en zone inondable. Celui qui se donne un usage total, celui qui confond l’absolu avec le total, celui-là désire être submergé. Il faut naturellement tenir compte d’un tel désir. Mais justement, en tenir compte, c’est prévoir l’engloutissement et se donner les moyens d’y parer. C’est se répéter, dans les moments d’exaltation, qu’un usage s’annule quand c’est le seul. Le particularisme consiste à perdre l’usage en le blindant, en en abusant [11].

Le sixième critère négatif, c’est qu’il ne peut pas y avoir que des usages. N’importe quelle chose peut être un usage, mais toute chose n’est pas un usage. L’éthique suppose un relief des choses, et de dire que certaines choses importent, autrement dit, plus que d’autres. L’idéal d’une stricte équivalence entre chose et usage, est un idéal esthétique, une esthétisation du monde. C’est aussi le credo de la religion dominante : l’immanence absolue. Le faire même, designé pour obéir aux procédures de la production, est d’avance conforme et consacré. En ce sens, quoi que tu fasses, tu courbes l’échine face au culte dominant. Si toutes les choses comptent, aucune n’a de prix, et tout est sacrifiable.

Passons maintenant aux critères non-négatifs de l’usage. Trois critères font d’une chose « une chose infinie », une chose en usage. Par souci mnémotechnique, on dira que l’usage est maison, saison, raison.

L’usage est maison : pas seulement une chose, mais une chose où l’on entre. Dans l’existence, les meilleures et les pires choses nous l’ont appris. Être là, c’est être dedans. On fait les choses bien quand on est dedans, quand cela devient autre chose qu’une chose à faire : une occasion. L’extériorité est toujours possible. La production l’aménage et la garantit. Mais l’extériorité ne vaut rien. La puissance éthique relève toujours de la question de pouvoir être dedans. C’est donc ce que l’on demande à un usage. On lui demande de pouvoir y entrer. Pouvoir entrer, cela suppose de pouvoir aussi en sortir, c’est-à-dire de ne pas s’y trouver enfermé. C’est la possibilité et d’être ailleurs et de revenir.

L’usage est saison : pas seulement une chose, mais une chose appelée à revenir. Une chose que l’on répète, comme les musiciens répètent. De ce point de vue-là, en réalité, on peut faire usage en n’importe quel événement. Il est toujours possible d’y revenir : de se repasser la scène une infinité de fois. Pour un événement négatif, de comprendre un peu mieux à chaque fois, en étant sans doute un peu plus détaché, en localisant toujours mieux la chose. De façon générale, un usage est comme un labyrinthe. C’est un lieu très complexe, plein de recoins et de plis, où l’on doit passer une infinité de fois avant d’en pouvoir trouver l’issue. Qu’on la trouve ou la cherche, l’issue est le secret de l’envie d’y retourner. Ainsi entre-t-on dans le monde.

L’usage est raison : pas seulement quelque chose, mais quelque chose par quoi on s’organise, quelque chose qui pense. Oublions ce que l’on croit savoir sur « la » raison. Une passion, une amitié, une technique : chaque usage contient sa rationalité. Elle n’est jamais donnée (comme c’est le cas dans le besoin, dans la fonction), vu que l’usage est toujours à mi-chemin entre nous et le monde. On l’ignore parce qu’on n’accorde pas si facilement ce pouvoir à un usage. Ou parce qu’on ne veut pas voir la souveraineté que tel usage exerce sur nous (addiction).

Adopter un usage comme raison ultime est un geste grave, qui ne peut pas être pris à la légère. Il ne s’agit surtout pas de confier à une certaine chose le rôle de succédané de monde, mais d’en faire notre vaisseau amiral dans la poursuite du monde. C’est la question de la position politique [12]. Un parti est un horizon : l’horizon que l’on vise en faisant des choses, l’horizon avec lequel notre manière de nous organiser doit maintenir le contact. Celui par quoi on sait, à chaque instant, ce qui manque : ce qui nous reste à faire, ce qui nous reste à défaire. Un usage-raison, au sens fort du terme, n’est pas un succédané de monde, mais c’est une chose qui est aux dimensions du monde, sans quoi elle ne peut jouer son rôle. C’est le nom qu’on donne au monde, son petit nom. Cette tâche ne peut être assumée que par une manière de s’organiser qui prenne le parti de l’irréductible.

Lire dans une chose ce qui arrive : le nécessaire, l’incompatible et le reste

On a vu que : 1) N’importe quelle chose peut être un usage 2) Toute chose n’est pas un usage. Cela implique que 3) Un usage est une chose : pas n’importe quoi. Ainsi, il faut pouvoir établir que l’usage, porteur d’infini, est bel et bien une chose. L’infini ne vient pas d’une absence de limites mais d’une nouvelle conception de la limite (limite-accès et non limite-borne). Ainsi, tout usage a des limites [13]. On doit savoir d’où elles viennent, comment elles opèrent, et enfin, si les limites qu’on se donne coïncident avec la limite réelle de l’usage.

On peut reformuler l’usage comme ce qui donne l’occasion à un commun de rencontrer sa puissance dans les choses, dans ce qui arrive [14]. L’enjeu d’un usage est de trouver une machine à lire ce qui arrive. Par machine, on entend un agencement entre les trois coordonnées de la forme (n’importe quelle chose ; rencontre ; monde) considérées tout d’un bloc. Machine-à-lire signifie donc que, quand on considère l’usage tout d’un bloc, ça lit.

Pour un usage donné, il y a ce qui lui est nécessaire, et ce qui au contraire est incompatible avec lui. Un usage vient avec ces vérités minimales. Ce sont ses extrémités, par quoi il n’est pas n’importe quoi, mais bien quelque chose. Le nécessaire et l’incompatible déterminent la capacité d’attraction et de répulsion d’un usage. Détachons quatre cas de figure.

1° Une chose amie est celle qui renforce le nécessaire. À travers elle brille une lumière primordiale.

2° Une chose ennemie est celle qui affaiblit, attaque, fragilise, relativise, met en crise le nécessaire. Il faudra se battre pour que la lumière brille, et ce sera une lumière différente : celle qui vient après le combat [15].

Par ailleurs, le mot toxique qu’on trouve dans la presse féminine – est intéressant. Que reste-t-il d’une chose amie si on lui enlève toute toxicité ? Que reste-t-il de l’éthique si on lui enlève tout proximité avec le dangereux ? Quel est le rapport entre vérité et poison ? Peut-on déclarer ennemi celui chez qui la quantité de vérité, de poison, est trop élevée ? N’est-on pas en train de confondre l’amitié avec « le taux de sucre contenu » ?

3° Une chose opaque est celle dont on ne sait pas bien si elle réfracte la lumière du nécessaire. On entretient avec elle une distance, parce que jusqu’ici, rien en elle n’établit le contact avec la puissance. On n’est pas indifférent, on est plutôt aux aguets. Pour toute attente, la neutralité est impossible. Situation ouverte, indécidable, d’oscillation entre le pour et le contre.

4° Une chose est incompatible, ou approche de la zone de l’incompatible, quand on peut seulement la saisir comme objet et que la rencontre est barrée. Elle ne peut entrer dans l’usage, on doit absolument la combattre, parce que sa présence n’est pas seulement ennemie, pas seulement une mise en crise, elle est un principe de destruction de l’usage. On risque de perdre le monde. Le pôle de l’incompatible est celui qui permet de détecter tout objet dans l’usage. L’incompatible désigne le point à partir duquel ce qui se passe n’est plus l’usage mais un objet [16].

Pour les choses qui arrivent, qui viennent toujours d’ailleurs, rien d’acté a priori, tout s’établit dans et par la rencontre, ou son impossibilité. Mais ce qu’on doit poser a priori, ce qu’on ne peut absolument pas évacuer, c’est la nécessité de résonances amies, ennemies, indécidables ou incompatibles (ainsi que les interférences entre elles). L’usage nous met sur la piste de ce qui est nécessaire, et nous arme contre ce qui nous détruit. Ce qui détruit peut être de deux sortes, et on doit s’armer en conséquence, en prenant garde de ne pas confondre les registres. 1) Il y a ce qui détruit absolument : tout ce qui se ramène à une disposition de la prédation, à l’absolutisme objectif (ennemi systémique). Dans ce cas, cela relève toujours, au moins en partie, de la violence politique, et c’est en cherchant de ce côté-là qu’on trouvera une arme. [17] 2) Il y a ce qui nous détruit singulièrement : ce qui entame notre force (ennemi existentiel). En ce cas, on trouvera dans l’usage même, ou dans un autre usage, de quoi s’armer. L’ennemi existentiel, on le rencontre sur le chemin accidenté de notre propre question, comme une figure de celle-ci qu’il faut combattre (il y en a une infinité, d’où la nature labyrinthique des usages). L’ennemi systémique est plutôt le moment où on nous confisque le chemin.

La capacité à formuler le nécessaire et l’incompatible de l’usage nous apprend à lire dans les choses (à laisser l’usage lire : surprendre la matière comme manière), et nous rend aussi lisibles à ceux qui nous rencontrent [18]. Et l’on ne doit jamais oublier que cette capacité engage toujours, en un certain point, une décision politique.

Cependant, entre les extrémités du nécessaire et de l’incompatible, il y a tout le reste : le contingent, ce qui arrive. En résumé, le nécessaire, c’est ce dont on ne peut pas se passer, ce sans quoi on ne peut pas faire, ce qu’on aurait tort d’oublier. L’incompatible, c’est ce sans quoi on doit faire, ce qui nous défait. Le contingent, c’est ce avec quoi il faut faire.

La seule technique occidentale est de détruire le contingent : en recodant de manière objective tout ce qu’elle peut, et en consumant le reste. À l’inverse, « faire-avec le contingent » n’a pour nous rien de péjoratif. Célébrer le monde, c’est toujours en même temps célébrer l’accident. On est pour une civilisation accidentale ! L’accident n’est pas du tout le superflu auquel on le réduit. Il est l’occasion de se réinventer. Sans lui, les deux pôles du nécessaire et de l’incompatible fonctionnent comme des agents de la reproduction du même : ils sont simplement employés à renforcer ce qui est, à stabiliser les choses. L’accident est irréductible, c’est l’ingrédient imprévu de tout ce que l’on prévoit, et ce qui fait de tout usage un matériau instable. Sans ce qui arrive, sans le contingent, les extrémités de l’usage sont les deux mâchoires de la consommation, prêtes à se refermer sur tout ce qui passe.

Si l’enjeu de l’usage est de trouver une machine à lire ce qui arrive, cela requiert deux conditions négatives : il ne faut ni couper les extrémités de l’usage, ni réduire l’usage à ses extrémités.

D’un côté, si l’on coupe les extrémités de l’usage, on perd toute ossature collective. L’usage est toujours usage de quelque chose, or, sans extrémités, pas de chose. On a de quoi lire, mais on n’a plus de machine. Les conséquences sont les suivantes. Ce qui arrive arrive comme n’importe quoi. La détermination est réduite à sa plus simple expression. Et comme la production prend la place qu’on lui laisse, seul ce qui procède du traitement objectif passe le seuil de la détermination – sans toutefois venir au monde. Ce qu’on appelle « l’informel » se réduit immédiatement au traitement indifférencié, qui est celui de l’équivalence universelle. Ce mal de l’indifférence absolue, on en éprouve partout les symptômes.

D’un autre côté, symétriquement, si on réduit l’usage à ses extrémités, on l’enferme dans une chose, et on perd la vision, la lecture. La machine tourne à vide. Ce qui arrive est traité, designé, comme sous-chose s’intégrant ou non dans une sur-chose. En vérité, plus rien ne rentre.

Ces deux conditions négatives sont en réalité d’une importance majeure. Refuser la détermination aux choses qui sont en usage ; concevoir l’usage comme un rapport objectif : telles sont les deux manières générales d’abdiquer politiquement, face à l’ennemi systémique. Dans un cas, on laisse faire, on ferme les yeux. Dans l’autre, on travaille pour lui. Mais précisément, que signifie la détermination, pour les choses en usage ? Peut-on déterminer les choses en usage ? Comment ne pas retomber immédiatement dans l’objet ? En réalité, il y a d’un côté les limites qu’on se donne, de l’autre la limite qu’on rencontre, qui est le monde [19].

Janes Doe

[2L’extrême-droite capte ce danger pour la civilisation sous la forme de « l’invasion migratoire » et du « Grand Remplacement ». La vocation des usages est bien de grand-remplacer la production.

[3Cela fournit la matière d’une partie à venir.

[4On la designe en regardant soit les choses qui la composent, soit la chose dans quoi elle contient.

[5Ensemble, elles forment le règne de la possibilité.

[6« Entre les nœuds du sens, le réel fait un trou », dit Lacan. Mais ce qu’on croit avoir montré, c’est que ce trou, cette interruption, lorsqu’on le regarde en positif, lorsqu’on le « retrousse », c’est la rencontre. Tout le travail de la cybernétique est sans doute de mimer la rencontre, c’est-à-dire de l’objectiver, de l’épuiser. C’est pourquoi toute sorte de convergences entre notre discours et celui de la cybernétique peuvent apparaître. La seule manière d’être absolument sûr de la différence, c’est de se situer au plan de l’ontologie. Et même de le pousser jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la « question » de l’absolu. L’absolu n’est pas une question. C’est la réponse préalable qui donne forme à tous les contenus ontologiques : pour nous, la rencontre. Là où le monde est ce qu’on pourchasse sans pouvoir l’atteindre, l’absolu est ce qu’on trouve même quand on ne le cherche pas, même quand on construit un monde pour tenter de conjurer la nécessité d’un absolu, nécessité exécrée, niée, etc. C’est en partie ce que fait la civilisation tardive : pas d’absolu. Ce qu’on croit avoir montré, c’est que cela signifie : absolutisation des choses, religion de l’objet, production. (Quand on dit « absolutisation des choses », on prononce un énoncé théologico-politique.) La grande difficulté, c’est qu’il faut garantir la séparation de l’absolu, le garder comme intouchable et inaccessible, et en même temps, il faut savoir que tout ce que l’on dira ensuite sera une expression de la manière dont on l’envisage, le mettra en jeu, lui donnera une figure. Même si c’est une contre-figure : tout ce que l’on dira sera l’ombre portée de notre idée de l’absolu. Le fait qu’on n’échappe pas à une idée de l’absolu, c’est le fait qu’on ne peut s’épargner de concevoir notre position politique aussi dans ce registre-là : comme une certaine mise en jeu de l’absolu. Quand on s’intéresse à l’ontologie dans la perspective hérétique de détruire la religion officielle, la désignation de cette dimension de l’absolu est nécessairement un crève-cœur. Il faut donc lire « théologico-politique » comme une étiquette posée sur une dimension qui devrait prendre son propre nom. C’est un moyen mnémotechnique, une manière négative de se faire comprendre. La plupart des discours théoriques ou scientifiques disent s’opposer à « la théologie », alors qu’ils ne peuvent faire autrement qu’opposer des dogmes théologiques à d’autres dogmes théologiques – ce qui est bien différent. Quand on dit qu’on ne s’occupe pas de théologie, on doit savoir que nécessairement, une certaine théologie s’occupe de nous – et nécessairement, ce sera la théologie civilisée, théologie par défaut. L’accès à la théologie suppose un travail de programmeur : il faut être capable de reprogrammer tout notre discours, il faut être sûr de ne dépendre d’aucun paramètre par défaut : non par fétichisation de la liberté, mais pour être sûr de tout pouvoir assumer – et ainsi, de ne plus avoir d’excuses. Que déclare en réalité celui qui dit : « mon discours n’est absolument pas théologique » ? Cela signifie : « un programme est à l’œuvre dans ce que je raconte, mais j’ai décidé de ne pas m’en préoccuper ». Ou : « J’ai bien reprogrammé intégralement mon discours, de telle manière que je peux l’assumer, mais je conteste le fait d’appeler un tel geste de la théologie. » Nous disons : quel que soit le nom donné à une telle programmation, cela touche à l’absolu. Il n’est pas difficile d’éviter la dimension de l’absolu : c’est impossible. Ce qui est difficile, c’est de prononcer un discours qui ne relève pas de la théologie dominante. Politiquement, il y a deux sortes de programmeurs : ceux qui sont du côté du démiurge, et ceux qui programment pour craquer (dans Matrix, Neo est un programmeur).

[7Dans tout ce qui suit, les usages qu’on pourra avoir à l’esprit sont notamment ceux que la construction d’une force politique rend nécessaires : usages tactiques (la rue) ; avoir un lieu (« l’ici ») ; présence à la situation (« le maintenant ») ; usages conspiratifs ; amitiés et attachements ; propagande.

[8L’usage tient à des choses, par conséquent l’usage est fini et mortel. « À chaque fois qu’ils y entrent, il se passe quelque chose ». La maxime de l’usage est naturellement applicable à toute loi physique. Une loi physique, comme toute chose, naît d’un événement. Elle pouvait ne pas être. Et on ne peut jamais exclure qu’un autre super-événement, pour improbable qu’il soit, puisse la défaire.

[9Tout repose sur le fait de mettre au centre l’événement, et l’occasion. L’occasion n’est pas le hasard. Elle est d’abord une question qui s’ouvre dans la situation : de quoi est-elle l’occasion ? L’occasion est ensuite la fenêtre proprement dite qui s’ouvre sur le monde. Dans la situation, l’occasion est ce pan de lumière qui tombe sur ce qu’on fait, et qui nous dévoile une ouverture, une faille. La méthode est alors de s’engouffrer dans la faille et d’y déchiffrer un chemin. En réalité, l’occasion est une fenêtre dans la fenêtre. Dans l’usage tel qu’on le prédéfinit plus ou moins confusément, dans lequel on voit déjà une fenêtre, l’occasion dessine sa fenêtre, et c’est toujours celle-ci qui s’impose. L’occasion est une échappée de lumière (en peinture, lumière qu’on suppose passer entre deux corps très proches l’un de l’autre, et qui éclaire quelque partie du tableau). On retrouve ici la question du cadrage.

[10Dans cette perspective, on n’entre jamais en prison.

[11À l’inverse, pourquoi doit-on se donner des usages, des machines-à-lire ? Pour que le dehors puisse les envahir. Plus la machine est solide, plus le dehors peut entrer. (D’expérience, hélas, c’est tout l’inverse qui a lieu : moins on a de vision et plus on laisse entrer ; et plus on a de vision, moins on laisse entrer). Telle est au contraire la morale de l’usage : sans l’horizon, on ne saurait rien déchiffrer du monde. Sans les choses, on n’aurait rien à déchiffrer (ce qui correspond, dans l’ordre de la tactique, au principe tout simple d’aller là où ça se passe.)

[12Première échappée dans le politique : l’usage comme raison. La deuxième échappée concernera la question de l’incompatible, de l’inacceptable.

[13On ne doit pas confondre les limites, les extrémités de la chose, avec la limite. Comme on va le voir, les limites, c’est encore de la matière, alors que la limite est du côté de la forme.

[14La chose en usage est là où l’occasion se donne. La limite est la rencontre même entre ce qui entre et la chose.

[15« Il y a deux lumières : il y a la lumière d’avant la nuit et il y a la lumière d’après. Il y a celle qui était là au début, l’aube radieuse du jour d’avant, et puis il y a celle qui a lutté contre les ténèbres, la lumière qui naît de cette lutte : l’aube scintillante du jour d’après. Il n’y a pas seulement deux lumières, il y a aussi deux joies : il y a la joie d’avant la peine et il y a celle d’après. La joie originelle, la joie innocente, primitive, cette joie est sublime, mais c’est juste un cadeau de la vie, du ciel, du soleil… La joie qui vient après la peine, c’est le cadeau que tu te fais à toi-même : c’est la façon dont tu transformes ta peine en joie, l’innocence que tu réussis à faire renaître des jours d’amertume et des nuits de bile noire. C’est le moment où tu commences à vivre, mais vivre vraiment, parce que tu commences à renaître de toutes tes morts successives. C’est le moment où tu t’approches de la divinité [ou du monde] ». Pacôme Thiellement.

[16Naturellement, celui qui déclare telle chose incompatible peut lui-même mettre les pieds dans la zone de l’incompatible. « L’honneur est de savoir qu’il y a des choses qu’on ne peut pas accepter ». La question se pose en situation : est-on dans ce cas de figure ? Le nécessaire et l’incompatible se décident du point de vue du monde, et non de l’auto-conservation de la forme objective que tout un chacun peut déguiser en « usage ». Après tout, du point de vue du monde, il n’est jamais absolument exclu que tel usage doive disparaître. Par ailleurs, la question politique tient aussi dans le combat que nos usages se livrent entre eux. D’une certaine manière, chacun d’entre eux rêve de nous posséder !

[17Si on appelle usage tactique toute manière d’en finir avec un dispositif, il faudra alors distinguer entre ceux qui ont lieu dans la rue et les autres. La guérilla déborde de la rue. « Tout n’est pas politique, mais tout est politisable. » (Foucault). Il ne faut pas le comprendre comme une emprise totalitaire de la politique, mais considérer qu’il y a toujours, dans l’éthique, un point d’accès au politique – et vice-versa. En tout usage, le nécessaire et l’incompatible engagent toujours, en un certain point, une décision politique.

[18Les mots que l’on pose sur l’usage tendent non pas à restreindre ou à élargir le possible, mais plutôt à sortir du régime de la possibilité. À substituer aux a priori objectifs, à la prédétermination de la situation, les conditions de l’usage.

[19Cela signifie que les premières ne relèvent pas du formel. Elles sont du côté de ce qui entre, des ingrédients de l’usage – selon une conception nouvelle de la matière comme l’indétermination même. Dans la matière, toute chose est soustraite à la détermination. Comme on ne peut refuser à aucune chose cette capacité de sortir de la détermination, n’importe quelle chose est matérielle. La matière, c’est simplement le grand n’importe quoi, où tout doit se retrouver, mais sous condition d’être nulle part, de n’avoir pas de lieu, donc de ne pas commencer.

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