Dynamique des confinements généraux

Attachement, enfance et liberté

paru dans lundimatin#240, le 1er mai 2020

Voici une analyse originale du confinement imposé à une grande partie de l’humanité depuis quelques semaines. Les auteurs (un psychiatre et un juriste) exposent la théorie de l’attachement de John Bowlby, psychiatre anglais, qui leur permet d’analyser le confinement comme une recherche de sécurité qui, au péril de notre liberté, nous renvoie à une condition de détresse enfantine. Ils proposent alors de désactiver l’attachement pour retrouver un sens de l’exploration du monde et des autres.

Great Lockdown pour les incorrigibles adeptes de la grandeur au FMI, plus sobrement confinement en français, ou plutôt confinements généraux au sens où l’on dit d’une théorie qu’elle est générale pour signifier qu’elle prétend régir un champ entier du savoir. Confinements généraux donc qui nous régissent, au pluriel de leurs modalités, variant à l’infini selon les États, mais toujours articulées autour d’un invariant, se couper du flux du monde et se replier sur un prétendu havre de sécurité aussi maltraitant soit-il ; un domicile, une famille, une maison de retraite, une tribu, un village, un bidonville. Des confinements généraux avec bien des étages, le domicile dont on ne peut sortir que pour des motifs précis, une ville que l’on ne doit pas quitter, l’entreprise (sécurisée ?) que l’on est juste autorisé à rejoindre par le chemin le plus court, le pays dont on ne peut plus sortir, autant de prétendus havres de sécurité, emboîtés comme des matriochki, auxquels on se retrouve assigné. Le mot de havre de sécurité évoque immédiatement John Bowlby, psychiatre anglais, initiateur (avec d’autres) de la théorie de l’attachement.

Les mots de Bowlby

L’attachement dont nous parle Bowlby constitue un mécanisme sélectionné par l’évolution de l’espèce qui permet au petit d’homme, en cas de danger, de se tourner rapidement vers une figure d’attachement, plus sage, plus forte, et bienveillante, susceptible, non de le nourrir, mais principalement de le protéger des prédateurs, figure que ses expériences lui ont désignée progressivement, au cours de sa première année de vie.

En ce sens, l’enfant est attaché au parent qui prend soin de lui, son caregiver, et non le contraire, quel que soit l’amour que ce dernier lui porte ou les autres schémas qui conduisent l’adulte à prendre soin de ses enfants, désignés alors comme ses care-seekers. L’attachement, à ce stade, est primaire. Il évoluera tout au long de la vie, permettant au care-seeker adolescent de devenir à son tour un caregiver, il prendra une dimension de réciprocité à l’âge adulte durant lequel le sujet pourra ou pas, à plusieurs reprises ou pas, se choisir une figure d’attachement principale en la personne d’un compagnon de vie et des figures d’attachement secondaires ou spécifiques au contexte et même symboliques.

Si l’attachement constitue bien un système motivationnel essentiel à la survie de l’enfant, il possède deux états distincts, un état simplement potentiel, au repos, qui laisse se déployer exploration et mentalisation (caregiving aussi, progressivement), et un état activé par la peur, l’alarme, douloureux s’il tend à se prolonger, le seul qui le rend perceptible, étant relevé qu’une relation d’attachement stable et prévisible évite précisément une activation trop fréquente du système d’attachement.

Bowlby a toujours supposé l’existence d’autres systèmes motivationnels tout aussi essentiels à l’existence humaine comme les systèmes défense/alarme (combat/fuite/figement), domination/soumission, stress/coping, et bien d’autres encore tel le système sexuel, mais il ne les a pas reliés précisément au système de l’attachement à l’exception du système exploratoire qui fonctionne précisément en miroir de l’attachement. L’activation de l’attachement pousse le sujet à rejoindre son havre de sécurité et il éteint le système exploratoire qui ne pourra être activé de nouveau qu’une fois l’attachement lui-même éteint, le havre de sécurité se transformant alors en base de sécurité à partir de laquelle le sujet peut repartir explorer le monde.

Enfin, chacun développe, et perfectionne, à l’âge adulte, un style d’attachement, sécure pour ceux qui ont habituellement bénéficié d’une réponse satisfaisante de leur caregiver et insécure pour les autres. La population générale se partageant en deux tiers de sécures et un tiers d’insécures.

Alarme, attachement et épuisement des soignants : la genèse du mot d’ordre

Dit aussi brutalement que vient d’être résumée la théorie de Bowlby, à l’inverse de la population générale, les soignants constituent une population majoritairement insécure (80 %) qui compense son insécurité par un caregiving compulsif. C’est précisément dans le cadre des “free clinics” qui prenaient en charge de manière militante les toxicomanes que Herbert Freudenberger identifia en 1974 le syndrome d’épuisement professionnel. Depuis bien des années les soignants sont conscients de leur fragilité et ce d’autant que l’attachement à leur métier ainsi qu’à leurs patients se trouve perpétuellement activé par l’alarme de quelque indicateur économique, restructuration, cantonnement à une médecine fondée sur des preuves et autre maltraitance institutionnelle.

Confrontés aux formes sévères d’une nouvelle infection virale, l’attachement des soignants, déjà activée en permanence à bas bruit par insécurité personnelle et par insécurité objective résultant du management hospitalier, a littéralement flambé d’alarmes multiples, insoutenables en leur combinaison, surcharge de travail, décès nombreux, risque de contamination personnelle et de leurs proches, risque de mort, manque de moyens matériels, incertitude sur les modes de transmission et sur les prises en charge adaptées, et même, au tout début, en Chine, persécution des autorités. Les soignants ne parvenant pas à rejoindre un quelconque havre de sécurité entreprirent d’y conduire rien moins que la population générale.

Les demandes des soignants n’avaient pas été absentes d’un passé récent, ils priaient déjà sans relâche les conducteurs d’être prudents, les buveurs de se modérer, les fumeurs de s’abstenir, tout un chacun de se faire vacciner et de manger sain et sans excès, mais toutes ces prières n’avaient qu’un effet modéré tant sur les comportements que sur les prescriptions des autorités. L’injonction à se confiner était toute différente, ni bon conseil ni geste de civisme, elle sonnait comme l’expression d’une détresse authentique, assurément renforcée par son expression dans de petites vidéos maladroites, celles-là même que nous recevons de nos proches. Il y avait le grain de la voix, l’image tremblante, l’alarme était palpable et le moyen de l’apaiser était offert en manière de privilège par des naufragés qui s’adressant à ceux restés à terre, leur criaient de toute leur générosité : Ne prenez pas la mer ! Demeurez en vos havres de sécurité !

Alarmer pour attacher

Ainsi, l’injonction au confinement ne fut pas lancée par les autorités mais tout d’abord par les soignants, et ce n’est que dans un second temps que les pouvoirs constitués s’en saisirent selon un schéma couramment observé dans les troupes de grands singes. En l’absence de danger, les jeunes s’éloignent des mères (leurs figures d’attachement) jusqu’à une certaine distance. Dès qu’un prédateur est repéré il convient d’activer immédiatement l’attachement des jeunes pour qu’ils rejoignent chacun sa mère qui le protégera efficacement. Les mâles, qui sont à la périphérie de la troupe, se mettent alors à frapper les jeunes ce qui a comme effet immédiat de les stresser, d’activer leur attachement, et de les lancer dans les bras de leur caregiver maternel. Que l’on aille pas imaginer que cette histoire de singe n’indique qu’un défaut de langage. La mère dont l’enfant a manqué d’être renversé alors qu’il s’était trop éloigné le gifle d’ancien instinct pour obtenir de lui non sa soumission mais son attachement. C’est même le spectacle navrant des enfants lourdement maltraités que chaque violence rapproche encore un peu plus de leur bourreau de caregiver.

Le mot d’ordre du confinement général est parfaitement inédit, non seulement en ce qu’il constitue une consigne sanitaire jamais expérimentée et qui ne tient ni du soin ni de la quarantaine, mais surtout en ce qu’il vise, dans un même mouvement, à alarmer et protéger ; il est à la fois la gifle et les jupes de maman. Ramener chacun à son havre de sécurité, logement, famille, et surtout s’opposer à toute activité exploratoire même parfaitement solitaire, à toute sortie. Le confinement ne se nourrit ni de la solidarité avec les concitoyens, que l’on préserverait ainsi de la contamination, ni de la solidarité avec les soignants, à qui on éviterait l’épuisement, mais de mille petites ou immenses vexations qui activent l’attachement ; propagande inédite en son ampleur qui termine tout discours par “restez chez vous, prenez soin de vous”, privation des libertés de circulation et de réunion, même pour des obsèques, suspension de certaines protections offertes notamment par le droit pénal (obligation de soumettre une cause au débat et de motiver la décision) et le droit du travail (droit au repos), formulaires divers, contrôles de police arbitraires, amendes, dénonciations, arrêtés municipaux, etc., mille vexations qui viennent sonner l’alarme afin de priver le sujet de toute velléité exploratoire et de le renvoyer si possible à un havre de sécurité. Toutes ces vexations ne constituent pas des excès de zèle, des abus d’autorité, des erreurs d’appréciation, des malveillances, uniquement une vie d’enfant éprouvée par des adultes, la charmante économie de l’attachement primaire à ceci près que le caregiver n’est ni plus sage, ni plus puissant que l’enfant auquel nous voici réduit.

Désactiver le système exploratoire plutôt que procurer un réel havre de sécurité

La psychologie attachementiste s’est longtemps opposé à une certaine psychanalyse par sa douceur et sa réhabilitation du soin et de la grande proximité. Mais ici c’est bien autre chose, un bricolage de panique plutôt qu’un mécanisme subtil et puissant sélectionné par l’évolution. Le havre de sécurité dans lequel des milliards d’enfants, d’hommes et femmes se voient confinés est parfois bien pauvre. En occident, le cas typique est celui du confinement en famille idéalement lieu de l’attachement primaire pour les enfants et de l’attachement réciproque entre les adultes. Mais pour les personnes seules, le havre de sécurité se réduit à leur logement dont il reste à espérer qu’elles l’aient fortement investi. Pour eux, mais aussi pour les mal-logés, les familles dysfonctionnelles, les sans-logis, les pensionnaires de maison de retraite, les prisonniers, c’est bien moins un havre de sécurité et son illusoire figure d’attachement qui sont censés désactiver l’attachement déclenché par l’alarme, et permettre au sujet de retrouver son équilibre, que la désactivation du système exploratoire lui-même, la coupure du flux du monde, solitaires sans promenade, prisonniers et personnes âgées sans visite, mendiants privés de charité, plus rien à explorer de l’autre ou du monde, et à supposer même que travail ou pouvoir d’achat permettent de sortir furtivement de chez soi, pas plus à explorer de l’autre que le regard fuyant de la distanciation sociale, perlé de peur ou de reproche, gestes barrières, réactivation de l’attachement garantie et retour à domicile.

De toute façon, dans la vision du monde insécure des soignants, la désactivation du système exploratoire est bien plus significative que la proximité avec une figure d’attachement qui a si souvent échoué à procurer une vraie sécurité.

Les confinements indiens ou sud-africains renvoient directement le sujet à sa norme d’existence principale, hier stigmate et aujourd’hui havre de sécurité maltraitant, le bidonville, le township, le village, la tribu isolée, toutes les frontières intérieures sont bonnes pour désactiver les velléités exploratoires du sujet. En Chine, on vit le village ressurgir spontanément comme havre de sécurité, village dont les habitants coupaient les routes avant même tout ordre des autorités. En Europe, ce furent des havres de sécurité secondaires que l’on avait cru disparus qui ressuscitèrent avec la puissance de l’évidence archaïque, les vieux États fermèrent leurs frontières non seulement aux personnes mais mêmes aux matériels médicaux et ce contre toute règle de droit, sans aucune pertinence dès lors que les populations étaient également atteintes et confinées à domicile des deux côtés des anciennes frontières.

Nouveauté et généralité

Cette lecture attachementiste des confinements ne rend nullement compte de leurs surgissements et pas plus de leur généralité. Depuis la seconde guerre mondiale, les grippes asiatique (1956-1958) et de Hong Kong (1968-1970), au bilan sanitaire pourtant tout aussi lourd que l’épidémie de 2020, n’avaient donné lieu à aucun confinement, ni en France ni dans le monde. Dès lors, pourquoi aujourd’hui et pourquoi à l’échelle du monde ?

Comme le répètent inlassablement les attachementistes eux-mêmes, l’attachement ne rend compte que d’un système motivationnel parmi beaucoup d’autres et en particulier nullement du système domination/soumission à l’œuvre dans la société pas plus que du système combat/fuite/figement qui possèdent chacun leur pertinence propre. Nul besoin de répéter ici comment ces systèmes ont été très diversement explorés par les luttes de classes pour les mettre à bas ou à l’inverse par la psychanalyse pour élucider comment le sujet persévère en son être et prend sa place en société au nom d’un principe dominant qui le soutient autant qu’il s’impose à ses semblables. Par contre, dire rapidement, ce qui est moins évident, comment notre mode de production vient porter la contradiction au cœur même du fonctionnement de la domination. Certes, le capitalisme domine, l’exploitation est la règle et l’autoritarisme des gouvernants nullement l’exception. Mais, pour autant, le moteur de notre mode de production n’est plus là, il réside dans une forme dévoyée et industrialisée de la liberté et de la création, l’innovation. Dès la fin du XIX° siècle, discrètement, progressivement, la rente dominante s’est détachée du capital pour élire domicile dans l’innovation, l’invention, le changement, en un mot dans l’émancipation. Bien sûr, s’agissait-il toujours d’exploiter le travail, mais de façon secondaire. Sans invention, l’entrepreneur le plus féroce n’était qu’une proie pour ses confrères. Sans réforme, le politicien, conservateur même, n’accédait plus à la scène publique. Sans boniment d’émancipation, point de consommation nouvelle. Jusque-là, tradition, expérience et liberté, les trois terribles vieilles gloires de l’homme, avaient tissé la frémissante stabilité du monde. Mais, échappant d’un coup au génie individuel et politique, la liberté se fit, il y a plus d’un siècle maintenant, le noir moteur de la production des richesses. Double mouvement d’émancipation, de l’inventeur que désormais plus rien ne ralentit, et de la société qui doit se tenir prête à désirer toutes les inventions possibles, perpétuellement mobilisée.

Il n’est besoin ni de démonstration ni d’exemple pour faire entendre à quel point cela est mal commode au pouvoir malgré ses sourires forcés. L’activation du système exploratoire est devenue une injonction économique qui finit par saper toute posture de domination de la nature et des hommes ou, mais c’est la même chose, qui oblige cette posture à se réinventer à l’infini. Activant toujours plus son système exploratoire pour survivre dans une économie devenue compétition d’innovation et d’adaptation, le sujet ne dispose plus que des ressources stables qui lui permettaient de soutenir le commerce de ses semblables, lequel dès lors le blesse de mille façons, et moins encore la maladie et la mort. Surtout, les systèmes d’attachement et d’exploration étant parfaitement alternatifs, il n’est pas possible d’activer l’un sans éteindre l’autre. Or, notre mode de production prétend maintenir le système exploratoire toujours actif, de LinkedIn à Tinder, pour sauver l’entreprise de la concurrence ou la planète de la pollution, ne permettant pas à l’attachement de s’activer sauf par intrusion violente et sans mesure. C’est dans cette configuration que l’alarme provoquée par le nouveau virus a trouvé un sujet en grande faiblesse, déjà dans une immense crainte de ses semblables et du flux du monde, incapable de se rassurer de sa propre puissance, et lui a enfin offert l’occasion de désactiver son système exploratoire, artificiellement excité depuis bien trop longtemps, et de se réfugier dans ce qu’il a pu trouver de havre de sécurité, État, tribu, famille, domicile, sans plus bouger, attendant sinon la fin du monde du moins un vaccin providentiel avant de consentir à refaire si douloureusement société.

Défaite du sujet

Ce délire d’attachement qui en quelques semaines s’est étendu aux dimensions de l’humanité signe la très profonde défaite de la liberté, celle conquise sur soi-même et pas sur le monde, une très profonde régression aussi, le retour d’un mécanisme d’attachement primaire jusque-là réservé aux petits enfants et dont le sujet était censé s’émanciper dans un mouvement de réciprocité et d’alternance des positions d’attachement.

La société a craqué par là où l’attachement était le plus durement maltraité, les malheureux soignants d’une ville industrielle au cœur d’un État totalitaire, pris dans la plus effrénée des modernisations, mouvement sans fin ni perspective. Mais, même à supposer que les démocraties occidentales décident de prendre en compte les fragilités et les souffrances de leurs sociétés, reste notre propre faiblesse dévoilée brutalement, notre absence de résistance à toutes les petites vexations de l’attachement enfantin, résistance qui, normalement, marque le passage vers un attachement adulte, réciproque sinon égalitaire.

Qui pourrait, aujourd’hui, dire sérieusement avec Montaigne : "Qui a apris à mourir, il a desapris à servir" (Essais, Livre I Chapitre XX) sans réciter une citation pour écolier ? Les confinements généraux passeront, c’est certain. D’aucuns s’en réclameront, ils s’en réclament déjà, les uns pour graver dans le marbre les petites vexations initialement destinées à sonner l’alarme, les autres pour promouvoir plus avant innovation et contrôle social, les plus aimables pour asseoir leurs rêves d’un monde meilleur.

Mais dira-t-on simplement la défaite du sujet qui se croyait adulte, sans désirer pour autant son archaïque colonne vertébrale de domination et de soumission, qui voulait désapprendre à servir autrement qu’en apprenant à mourir, qui soupirait après la liberté et non après un mode de production, qui ne savait pas encore que son goût des autres n’était que griserie du môme perdu de vue un instant au jardin d’enfant avant de recevoir sa claque ?

Désactiver l’attachement

Qu’il est difficile de désactiver l’attachement quand le caregiver est déceptif ! L’attachement s’active automatiquement, c’est un simple effet de l’alarme, et nous avons couru, houspillés par des gouvernants aussi alarmés que nous, nous confiner au plus profond, mais nous n’y avons trouvé aucune figure d’attachement disponible, que des êtres eux-mêmes alarmés et toujours l’écho lancinant de cette alarme virale qui nous brûle. Déconfiner, c’est désactiver l’attachement pour retrouver sa capacité de mentalisation, et comme cela est compliqué, cauchemars de nos technocrates, mais aussi difficulté intime de chacun.

Les utopies qui fleurissent si dru sous l’alarme ne sont souvent que des mentalisations bien pauvres, et c’est naturel ; leur fonction première et immédiate se borne à nous assurer que le système exploratoire ne sera plus forcé aussi violemment que naguère et que notre attachement va pouvoir enfin se désactiver dans la douce proximité d’objets réellement aimables, plus sages que nous, plus forts et surtout bienveillants. La mentalisation véritable ne pourra venir qu’une fois l’attachement désactivé.

Mais cette modeste et louable tâche tourne au labeur sans fin tant que se prolonge encore l’écho dystopique de la surveillance du virus et de ses porteurs, comme une perpétuelle alarme, et tant aussi que nous n’aurons pas intimement fait le deuil de la fabuleuse figure d’attachement que nous étions venus rejoindre dans notre havre de sécurité pour nous rendre compte qu’elle l’avait assurément déserté au sortir même de notre enfance. Retourner, malgré tout cela, notre havre en une base de sécurité à partir de laquelle le goût nous reviendra de l’exploration du monde et des autres, pour autant que cette exploration perde un peu de l’amertume d’une contrainte économique, voici la perspective, la promesse du temps.

Muriel Fischman-Mathis, psychiatre des hôpitaux

Pascal Mathis, juriste

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