De la Zad à la Commune de Versailles

« En 1871, Les versaillais avaient écrasé la commune de paris. Les zads sont aujourd’hui comme autant de nouvelles communes libres. Et nous affirmons ici que ces communes ne se laisseront plus expulser. Nous avons contenus les troupes policières à l’automne 2012, et avons mis en défaites les politiciens pro-aéroport. Nous les mettrons en défaite une nouvelle fois s’ils s’entêtaient à revenir dans le bocage de notre dame des landes. Il n’y aura pas d’aéroport, la zad continuera à fleurir. »

paru dans lundimatin#38, le 30 novembre 2015

Samedi 28 novembre, château de Versailles. Une gigantesque banderole accueille les touristes venus du monde entier : "Gardez le Bourget, on prend Versailles. Vive la Commune !". Ambiance inhabituelle pour cette ville-musée que de mauvais esprits pourrait qualifier de Disneyland réactionnaire.
Cela faisait une semaine que plusieurs convois cyclistes de "Zadistes" traversaient la France afin de converger jusqu’à l’inauguration de la COP21. Régulièrement escortés ou contrôlés par des hordes de CRS tout au long de leur périple, les pelotons eurent à commettre quelques belles échappés afin de semer l’état d’urgence. S’il ne devait rester qu’une anecdote elle revient au préfet d’Eure-et-Loire. Averti de l’arrivée imminente de 200 vélos, M. Quillet avait annoncé par voix de presse les avoir préventivement interdit de territoire. Mais c’était sans compter la porosité de nos satanées frontières. Mis devant le fait accompli, le préfet dû rétropédaler et autorisa la caravane Zadiste sur ses terres, au prétexte que cette "manifestation" n’était pas "politique" mais sportive. Comme quoi l’état d’urgence n’implique pas l’abolition du sens de l’humour.

La ligne d’arrivée de cette épopée devait originairement être le plateau de Saclay. Un paysan avait accepté d’y accueillir les différents convois afin que soit organisé un grand banquet auquel tout un chacun était convié. Malheureusement, les services de l’État en décidèrent autrement. Au prétexte de la proximité de sites sensibles tels que les bureaux du Commissariat à l’Energie Atomique ou l’école Polytechnique, la préfecture bloqua intégralement les accès aux communes de Gif-sur-Yvette, Orsay, Palaiseau, Saclay, Saint-Aubin, Vauhallan et Villiers-le-Bâcle. C’est l’état d’urgence, il était donc nécessaire de « prévenir toute tentative de pénétration dans les établissements à caractère sensible présents dans le périmètre ». Il faut s’attendre à ce que le prochain Tour de France ne compte que des étapes de montagne.
Suite à cette déviation forcée, les convois n’eurent d’autre choix que de se rabattre sur le château de Versailles. Ce qui pourrait indiquer que les nouveaux versaillais ne se cachent plus dans les musées mais à polytechniques ou au CEA, qui sait ?

Nous publions ici la déclaration émanant du convoi, ce jour-là.

Salut à tous et toute et merci d’être venus nous accueillir et partager un repas.

Nous sommes partis de Notre Dame des Landes samedi dernier avec 5 tracteurs, un triton, une cabane, une cantine mobile et 200 cyclistes de 1 à 70 ans. Nous roulons aujourd’hui depuis 7 jours. Nous sommes toujours ensemble et plus nombreux qu’au départ.

Notre tracto-vélo a été une entité à la fois soudée et riche de sa diversité à l’image du mouvement anti-aéroport.

Le convoi s’est construit avec les associations et organisations citoyennes, politiques et syndicales qui depuis de nombreuses années informent et agissent sur le plan juridique, militant ou celui de la contre-expertise. Autant d’associations et organisation qui ont assuré pas à pas l’ancrage du mouvement.

Le convoi s’est construit avec les paysans impactés de la Zone d’Aménagement Différé qui ont toujours continué à cultiver la zone menacée, malgré les menaces et pressions. Ils s’est construit avec tous les paysans de la région qui ont rejoint la lutte et participent pleinement à sa défense et aux projets agricoles.

Le convoi s’est construit avec les occupantes et occupants qui sont venus s’installer sur place à l’appel d’habitants historiques, qui ont participé pleinement sur le terrain à empêcher tous démarrages des travaux. Des occupants qui ont construit sur place des formes de vie, d’habitats, d’agricultures et d’organisation collective et partageuse, émancipées du diktat économique et des schémas dominants.

Nous apportons depuis Notre Dame des Landes un double message d’espoir, celui qu’il soit possible d’arrêter ici et maintenant leurs projets nuisibles et imposés, celui qu’il soit possible ici et maintenant de tracer d’autres chemins

Le convoi s’est construit avec les comités et soutiens de toute la région et de plus loin encore toujours prêt à se mobiliser pour maintenir la pression contre le projet d’aéroport et à chaque fois que la zad a été menacée. Autant de comités et soutiens qui constituent le terreau populaire du mouvement.

Nous avons imaginé ce convoi dans un contexte lourd des menaces répétées du premier ministre et des pro-aéroport. Nous sommes venus à Paris pour y dénoncer une hypocrisie flagrante. D’une part, la volonté affichée en décembre, par le gouvernement, de lutter contre le réchauffement climatique. D’autre part, la menace de revenir quelques semaines plus tard pour expulser les habitants et paysans de la zad, détruire plus de 1600 ha de terres agricoles et de zones humides, ainsi que des dizaines de logis pour y construire… un nouvel aéroport.

Comme de nombreux habitant-e-s, paysan-ne-s, migrant-e-s d’autres parties du monde qui subissent déjà en première ligne les conséquences du réchauffement climatique, nous savons que notre salut ne viendra pas des échanges de marchés carbones entre lobbies industriels et gouvernements, encore moins du capitalisme vert. Nous voulons participer à une reprise en main, par les populations et mouvements de lutte, de l’avenir de la planète. Nous apportons depuis Notre Dame des Landes un double message d’espoir, celui qu’il soit possible d’arrêter ici et maintenant leurs projets nuisibles et imposés, celui qu’il soit possible ici et maintenant de tracer d’autres chemins.

Nous savions avant de partir que le gouvernement avait déjà prohibé toute les manifestations publiques prévues dans les rues de la capitale pendant la cop 21. Le lendemain de notre départ, un bataillon de gendarmes mobile a bloqué notre convoi pendant quelques heures pour lui signifier qu’il lui serait interdit de pénétrer en île de France. Le périmètre qui nous était prohibé a encore augmenté avec l’interdiction d’aller en Eure et loir en début de semaine. Nous avons pourtant continué à rouler et à avancer. Face à notre détermination sans faille les barrières se sont successivement levées.

Nous les mettrons en défaite une nouvelle fois s’ils s’entêtaient à revenir dans le bocage de notre dame des landes

Si les autorités ne voulaient visiblement pas de nous, ce n’était pas le cas des habitants des régions traversés, bien au contraire Les comités et soutien d’Ancenis, Angers, Le mans, Préaux sur perche, la Flêche, Coulombs, Emancé entre autres, nous ont accueilli chaque soir à bras ouverts. Ils nous ont ouvert leurs maisons, leurs champs et leurs salles des fêtes. Toutes ces personnes qui refusent de se laisser abattre par la peur et la résignation, nous montrent à quel point le mouvement de solidarité avec la lutte de Notre dame des landes est plus vivant que jamais. Ces personnes ne nous ont pas accueilli dans un simple geste de soutien mais parce qu’elles se battent elle-mêmes localement contre la privatisation d’une forêt publique, pour que des migrants aient un toit sur la tête, contre l’emprise de l’agro-industrie et pour l’accès paysan à la terre ou encore pour maintenir, face à un nouvelle zone commerciale, un jardin collectif à périphérie d’une ville. Grâce à elles et eux, ce convoi a été un moment absolument magique. Nous les remercions infiniment et les assurons d’être prêt à revenir les soutenir à notre tour à chaque fois que ce sera nécessaire. Nous regrettons fortement de n’avoir pu nous rendre hier à saclay du fait du blocus policier.

Nous sommes cependant parvenu aujourd’hui à Versailles, aux portes de paris.

C’est le 16 novembre 2015, depuis Versailles, que le sénat et le parlement réuni ont décidé de prolonger de 3 mois l’Etat d’urgence sous lequel nous vivons aujourd’hui. C’est au titre de l’Etat d’urgence qu’il a multiplié les interdictions de manifestation, les perquisitions ou les assignations à résidence de personnes qui préparaient notre accueil à Paris. Mais ces mesures liberticides ne pourront étouffer les voix de tout ceux qui considèrent que les logiques économiques et politiques actuelles nous mènent droit dans le mur.

En 1871, Les versaillais avaient écrasé la commune de paris. Les zads sont aujourd’hui comme autant de nouvelles communes libres. Et nous affirmons ici que ces communes ne se laisseront plus expulser. Nous avons contenus les troupes policières à l’automne 2012, et avons mis en défaites les politiciens pro-aéroport. Nous les mettrons en défaite une nouvelle fois s’ils s’entêtaient à revenir dans le bocage de notre dame des landes. Il n’y aura pas d’aéroport, la zad continuera à fleurir.

C’est à l’été 1973 pendant le premier grand rassemblement de la lutte du larzac que Bernard Lambert, figure des paysans-travailleurs a déclaré « les paysans ne seront plus jamais des versaillais ». Avec les paysans venus de la zad nous sommes fiers aujourd’hui de faire résonner de nouveau ce message ici-même.

Ce banquet n’est que le point final des convois. Il se veux un appel à continuer les luttes de terrain, à Paris comme ailleurs, dans les semaines, mois et années à venir.

Banquet des ZAD et autres territoires en lutte // Versailles // 28 novembre 2015 from stéphane trouille on Vimeo.

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