D’Anonymous au G20 de Hambourg - Appel à soutenir Loïc Citation

7e procès pour le militant anti-nucléaire Barrois

paru dans lundimatin#158, le 24 septembre 2018

Mardi 25 septembre, Loïc Citation comparaîtra devant la cour d’appel de Paris pour sa participation au mouvement Anonymous en 2014. Ses proches nous ont transmis un appel à le soutenir. Nous en avons profité pour revenir sur le parcours judiciaire incroyable du jeune militant antinucléaire actuellement incarcéré dans l’attente d’une extradition vers l’Allemagne pour sa supposée participation aux manifestations contre le G20 en juillet 2017.

Tout le monde se souvient du sommet du G20 qui se tint à Hambourg début juillet 2017. Pas moins de 20 000 policiers, 3000 véhicules, 11 hélicoptères, 185 chiens, 70 chevaux et une dizaine de canons à eau étaient censés assurer la tranquillité de cette réunion des représentants des 20 pays les plus riches. Pourtant, la manifestation tourna au vinaigre et après deux jours d’émeutes les forces de police durent reconnaître leur échec, tant stratégique que politique. Le ministre fédéral de la justice allemande concluait alors qu’« Il n’y aura plus de G20 dans une grande ville allemande ». Cela aurait pu en rester là mais c’était sans compter sur l’amertume et la rancœur de la police allemande qui a depuis lors déclenché des opérations répressives inédites tant par les moyens mis en œuvre que par leur étalement dans le temps.

En juillet, le site d’information Dijoncter.info publiait une longue interview avec un membre de l’équipe légale des manifestations anti G20 qui donnait la mesure et l’étendue des opérations. Quelques jours après le sommet, le principal site d’informations alternatives, Indymedialinksunten, était fermé sur décision administrative, au mois de décembre la police lance une traque publique en publiant dans la presse plus d’une centaine de photographies de manifestants en appelant la population à la délation. Comme l’explique Orel de la legal team hambourgeoise :

Cette traque est une grande première en Allemagne. Dans les années 70, la police allemande traquait des groupes armés, et on parlait de 20 ou 30 personnes recherchées publiquement pour des actions politiques armées, avec des attentats politiques à la bombe. Là on parle de gens qui auraient peut-être, à un moment, jeté un caillou ou une bouteille.

Un an après les évènements, plus d’une soixantaine de perquisitions avaient eu lieu en Allemagne. Sans surprise la justice prolonge l’acharnement policier et les peines sont elles aussi inédites : 2 à 3 ans de prison ferme pour des jets de canettes n’ayant blessé personne. La police évoque plus de 3500 procédures en cours dont certaines pour "éloge du crime" à l’encontre de personnes ayant soutenu publiquement les débordements. Au mois de mai, le « SoKo Black Block », la commission spéciale de la police de Hambourg en charge de la traque des manifestants publie une centaine de nouveaux clichés et annonce qu’elle va désormais se pencher sur les militants internationaux. Le 29 mai ce sont 9 perquisitions qui ont lieu simultanément en France, Espagne, Italie et Suisse.

Cette offensive s’est accompagnée de la diffusion d’une émission d’investigation sur la première chaîne allemande, qui s’intitule « la violence noire » et qui enquête sur l’activité du méchant black bloc qui aurait brûlé la moitié de la ville de Hambourg. Dans ce documentaire, on voit la police du « SoKo black block » qui retrace les activités des manifestant·es le matin du 7 juillet, dans le quartier d’Altona où plusieurs voitures ont brûlé et où des magasins ont été attaqués. La police y met en scène cette coordination internationale policière ainsi que ses innovations techniques en matière de biométrie. Le reportage évoque des programmes informatiques capables de reconnaissance faciale à partir de certains points des visages. Cette propagande est évidemment psychologique et a pour but de susciter la peur. Leur message : « On vous retrouvera tous ».

En France, Loïc Citation, un jeune militant « connu des services de police » est ciblé. Le domicile de ses parents est pris d’assaut mais les policiers français et allemands qui ont fait le déplacement font chou blanc. La commission rogatoire allemande voit large : « Dégradations par incendie – participation à un attroupement armé – port d’arme de catégorie A par assimilation : engin explosif – violences sans ITT sur agents dépositaires de la force publique » mais le jeune homme est absent et se fend quelques jours plus tard d’un communiqué dans lequel il explique ne pas avoir particulièrement envie de se rendre aux autorités et justifie sa décision de partir en « cavale » par le harcèlement policier qu’il subirait et l’inanité de condamnations antérieures. En effet, ce n’est pas la première fois que le jeune homme de 23 ans se retrouve dans le viseur des services de renseignement. En 2014, après la mort de Rémi Fraisse et au cœur de la mobilisation contre la construction du barrage de Sivens et de la déchetterie nucléaire de Bure, il participe à l’opération Grands Projets Inutiles et Imposés du collectif Anonymous. Les sites internet du Conseil Régional de Lorraine, du Conseil Général de la Meuse, et de l’ANDRA sont temporairement paralysés. Quelques mois plus tard, il est interpelé à 6h du matin par 8 agents de la Direction Générale du Renseignement Intérieur. Il écopera de 4 mois de prison avec sursis. A l’issue du délibéré, l’avocat de l’un de ses co-prévenus précise :

« Il y a une disproportion entre le risque pénal encouru et les faits [...] Les prévenus n’ont fait que recourir à une nouvelle manière de manifester [...] Lorsque les routiers bloquent une autoroute, ils ne sont pas poursuivis. »

Un deuxième procès aura lieu pour cette même série d’attaques informatiques mais il sera relaxé grâce au principe de « Non Bis in Idem », à savoir que l’on ne peut pas être jugé deux fois pour les mêmes faits. Le parquet fait alors appel, nous y reviendrons.

L’année suivante, il sera poursuivi pour « outrage et rébellion » et « incitation directe à la rébellion » suite à une manifestation contre la loi travail. Une vidéo de son arrestation violente par la police permettra néanmoins de faire tomber les chefs d’outrage et d’incitation à la rébellion.

Malgré la démonstration des mensonges policiers, il écopera tout de même d’un mois de prison avec sursis pour « rébellion ».

Le 18 février 2017, il participe à une manifestation à Bure contre le projet d’enfouissement de déchets nucléaires. Un cortège de 400 personnes renverse les grilles de l’Andra. Loic Citation est de nouveau arrêté et inculpé de « participation masquée à un attroupement, dégradation ou destruction des grilles et rébellion ». Les juges le condamnent à 4 mois de prison avec sursis mais le parquet fait appel.

Après l’audience, il publie sur Mediapart la déclaration qu’il a faite devant les juges et explique avoir été étranglé lors de son interpellation ce jour-là. Attentif, le commandant de Gendarmerie DUBOIS porte plainte pour diffamation et précise que s’il a entouré la tête du manifestant avec son bras ce jour-là, c’était pour le protéger d’une chute au sol et absolument pas un étranglement. 5e procès et une condamnation à 1400 € pour « atteinte à l’honneur » et « diffamation », les frais de justice du commandant sont aussi à sa charge.

Le 18 août dernier, alors qu’il ne s’était toujours pas rendu aux autorités dans le cadre de sa demande d’extradition vers l’Allemagne et qu’il rend visite à ses parents, Loïc Citation est finalement interpelé par la police et mis en détention. Le 23 août, lors d’une audience mouvementée, la cour d’appel de Nancy autorise son extradition vers l’Allemagne afin qu’il soit jugé pour sa participation supposée aux manifestations de Hambourg. S’étant pourvue en cassation, il reste détenu dans l’attente de cet énième jugement.

Outre l’acharnement évident que subit le jeune militant, c’est aussi la nature et les modalités de la collaboration des différentes polices européennes qui pose de nombreuses questions. Quelle incroyable préscience amène des policiers hambourgeois à reconnaître, identifier, localiser et accuser un activiste de la Meuse parmi des dizaines de milliers d’autres ?

En attendant d’en savoir d’avantage, Loïc Citation sera extrait de sa prison de Nancy le 25 septembre afin de comparaître devant la cour d’appel de Paris. Il sera de nouveau jugé pour la cyber-attaque d’Anonymous dont il avait été relaxé. Ses amis invitent à venir le soutenir à 13h, devant le Palais de Justice, métro Cité, pôle 4, chambre 10.

Ils nous ont aussi transmis l’appel qui suit.

Hambourg – Bure, ou quand l’idée de justice s’embourbe Solidarité avec Loic Citation // par Groupe de Soutien antinational

Notre camarade et ami, maraîcher et poète, frère et compagnon Loic, a été arrêté par des unités d‘intervention de la police le 18 août à Nancy. Ces derniers ont exécuté un mandat d‘arrêt européen qui avait été émis à son encontre en raison de sa participation présumée aux émeutes durant le sommet du G20 à Hambourg. Après trois mois de clandestinité, l`Etat a mis fin à la liberté de notre ami alors qu‘il essayait de rendre visite à ses proches.

Depuis, Loic se trouve à la prison de Nancy-Maxéville. Il est actuellement menacé d‘extradition vers l‘Allemagne pour répondre de "graves infractions" commises durant les contestations contre les plus puissant.e.s criminel.le.s, despotes, chef.fe.s de guerre et truqueur.e.s d‘élection de ce monde.

Mais qui sont les terroristes ?

L‘État allemand veut se venger. Loic, les autres amis qui se trouvent en prison - Christian, Tamaş et Mohammad -, et peut-être encore d‘autre indociles, doivent payer pour les émeutes qui se sont déroulées dans les rues de la ville hanséatique (Hambourg) l‘année dernière, lors de ces jours de juillet enflammés.

La vengeance n‘est pourtant pas le but de la justice. L‘administration hambourgeoise semble cependant démontrer le contraire, notamment au vu de ses jugements sévères et les incroyables moyens d‘investigation mis en oeuvre. La justice française suit la même tendance et a trouvé en Loic un parfait bouc émissaire dont le sort doit servir d‘exemple.

Loic est poursuivi pour diverses infractions en France, qui n‘ont rien à voir avec Hambourg. Qu‘il s‘agisse de supposées participations à une cyberattaque, à des manifestations ou à la dégradation d‘une clôture du soit-disant "labo de recherche" de la poubelle nucléaire CIGEO, c‘est avant tout son activisme qui est criminalisé. "In dubio pro reo" (le doute profite à l‘accusé) n‘est plus un principe en vogue dans une justice qui devient toujours plus politique.

Ce mardi, 25 septembre, Loic devra passer en appel devant le palais de justice à Paris (Pole 4 Chambre 10) pour répondre des accusations d‘attaques informatiques. Il y a plusieurs années, le jeune activiste a été condamné pour avoir participé à un piratage d‘infrastructure informatique de grands projets inutiles.

L‘un des nôtres

Loic est depuis toujours un insoumis qui a été politisé dans une époque où les gouvernements et les lobbies ont largement étendu leurs ambitions néoliberales destructrices des systèmes sociaux et écologiques. Une période durant laquelle les frontières sont de plus en plus fermées et où les flics, de plus en plus militarisés, maltraitent et tuent les insubordonné.e.s, dans les forêts, dans les rues, dans les cités et dans les prisons.

Mais Loic aussi été politisé à une époque, dans laquelle la résistance concrète devient de plus en plus palpable : à Sivens, dans le Val-de-Suse, à Notre-Dame-des-Landes ou à Bure – où la France entend construire le plus gros chiotte nucléaire d‘Europe. Il a été politisé dans un temps, durant lequel nous nous sommes défendu.e.s contre les grands projets inutiles et où en 2016, des centaines de milliers de personnes, des douzaines de barricades, des pluies de pavés et des cocktails explosifs ont tenté de freiner des mois durant, la machine de casse sociale et la libéralisation du marché du travail.

La "cellule de Bure"

Depuis l‘instauration du tandem zélé - le procureur Glady et le juge Le Fur - au tribunal provincial de Bar-le-Duc, la répression contre ceux qu‘ils appellent "les gens de Bure", est de plus en plus dure. Des douzaines de camarades ont écopé d‘interdictions de territoire en raison de leur engagement contre CIGEO. Après plusieurs mois de scandaleuses écoutes téléphoniques et autres odieux moyens de surveillance, diverses personnes engagées depuis des années contre le projet CIGEO se voient mises en examen pour association de malfaiteurs, et se retrouvent interdits de territoire et interdits de se contacter.

En plus de l‘occupation militaire du territoire par les gendarmes, se sont accumulées ces deux dernières années des dizaines de perquisitions, des saisies, de plusieurs blessés graves et l‘expulsion du bois qui avait été libéré pendant 18 mois. Les ministères publics et les flics des deux côtés de la frontière semblent soudain considérer la Meuse, ce calme département de Lorraine, comme le "quartier général" des Black Blocks.

Bien que ce soient leurs projets délirants qui constituent une menace contre l‘humanité et la nature, c‘est notre humble résistance qui est présentée comme terroriste et qu‘ils tentent de saper par tous les moyens. Que ce soit à Notre-Dame-des-Landes, à Bure, à Hambacher Forst ou à Kolbsheim, la terreur est et reste le moyen des puissants. Ils exercent leur pouvoir par la violence, la propagande et la peur. Leur système repose sur l‘exclusion, la stigmatisation, la censure et la prison.

La génération de la résistance

Nous sommes la génération à laquelle il a été inculqué que les frontières ouvertes, les relations internationales et la solidarité, indépendamment de l‘origine ou de la classe sociale, sont des valeurs positives. En revanche, dans les sociétés capitalistes, la solidarité ne constitue qu‘un prétexte à l‘extension du marché. "Liberté pour les marchandises, mais pas pour les humains", c‘est le credo indéniable que ces gouvernements ambigus diffusent.

Si notre idée de progrès est celle d‘une société ouverte, la vision court-termiste du capital, elle, ne mène qu‘à la destruction des ressources vitales et à l‘anéantissement des opportunités des générations futures. À présent ils nous reprochent d‘être des criminels internationaux. Ce sont pourtant eux qui s‘abritent derrière le soi-disant Etat de droit, pour le tordre et réprimer férocement les dissidents jusqu‘au-delà de leurs frontières.

Liberté pour Loic !

L‘instance suprême de Paris décidera dans quelques jours de son extradition ou non vers l‘Allemagne. Si le mandat d‘arrêt européen est exécute, il sera probablement placé en détention provisoire pendant plusieurs mois.

Au vu du déroulement des premiers procès à Hambourg, caractérisés par des jugements disproportionnés, une lenteur inhabituelle des procédures et une propagande active de l‘Etat, il est à craindre que le cas de notre ami ne soit utilisé par les autorités essuyer l‘affront de leur fiasco politique au G20 et pour satisfaire leur besoin de revanche.

Bien que l‘Etat français ait tenté depuis des années maintenant de briser l‘insubordination de Loic, ce dernier n‘a jamais abandonné ses idéaux pour un monde plus libre et plus juste. Nous sommes convaincus qu‘en Allemagne non plus, ni les tribunaux, ni les flics, ni le système carcéral ne seront assez forts pour rompre ses convictions. Loic fait partie de ceux et celles qui font de la résistance au capitalisme une fête internationale. C‘est maintenant à nous tou.te.s de lui apporter un soutien retentissant.

Ces dernières années, il a lutté à nos côtés contre cette société délirante avec génie et folie. Nous allons donc tout faire pour que ses pensées, son art et sa résistance soient d‘autant plus visibles à l‘heure où les Etats le privent de liberté.

Nous appelons à une large solidarité avec Loic et tou.te.s les prisonnier.e.s. Nous allons montrer notre colére aux autorités répressives responsables de son incarcération. Nous ne ferons pas de compromis nous ne leur laisserons pas l‘ombre d‘un espoir de nous atomiser.

Seul.e.s quelques un.e.s sont enfermé.e.s, mais nous somme tou.te.s visé.e.s !

Brisons tous les murs !

Liberté pour Loic !

A bas le monde des puissants !

Notre solidarité est une arme !

Rendez-vous le 25 septembre à Paris pour manifester notre soutien et amitié à Loïc !

Les textes de Loïc

[Le compte-rendu de la 1re audience du procès "Anonymous 2"→https://www.facebook.com/LoicCitations/posts/1739794756034442]
Délibéré du procès « Anonymous 2 »-* Juin 2018, Je choisis la cavale
Quelques nouvelles suite à l’arrestation de Loïc le 19 août chez ses parents->703]
La brochure Sachez que je n’attends rien de votre institution, qui retranscrit le procès de Loïc suite à son arrestation lors de la manifestation du 18 février 2017 à Bure
La page facebook Loïc Citation

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