Dans les cinq épisodes de ce roman graphique, Angel de la Calle raconte le destin d’artistes révolutionnaires fuyant dans les années 70 la répression en Uruguay, au Chili, en Argentine, au Mexique, pour se retrouver à Paris. « Ange de la rue » comme le dit son nom, trouve dans les rues d’une ville qui n’est plus capitale des arts mais que hantent encore de beaux fantômes (de Guy Debord à Jean Seberg) le décor où croiser ces fils narratifs reliant les épisodes d’exaltation créatrice, de bouillonnement amoureux, de bouleversements sociaux et de rues envahies par des foules heureuses, avec l’horreur des trahisons, des supplices et de la mort dans l’absolu du désespoir. Le ton est donné par un premier épisode chilien hallucinant où lors d’une réception dans une villa patricienne, tandis que s’échangent les propos insignifiants d’un milieu artistique aussi pénible qu’ailleurs, l’un des invités, critique d’art en quête des toilettes, s’égare pendant une coupure de courant, descend au sous-sol et découvre l’abomination. Angel de la Calle sait tout mêler, du récit documentaire montrant le rôle des anciens de l’OAS dans la formation des bourreaux sud-américains, à l’intrigue policière et au réalisme magique – ainsi du destin de ce rescapé du massacre de la place des Trois Cultures le 2 octobre 1968, qui réussit à fuir sa prison avec l’aide d’un peintre suicidé en 1959. Ce pourrait être une belle métaphore de ce récit choral, où le mort se saisit du vif, mais pour le libérer…