Cauchemars et facéties. S02E01

Trouvés au hasard des internets.

paru dans lundimatin#161, le 16 octobre 2018

En vrac, et comme au bon vieux temps. Les déboires des GAFAMs. L’avenir de la vidéosurveillance. Copyrighter son afro. 123456.

RANCUNE

Attention à ce que l’on dit sur les réseaux sociaux. Même sur les groupes « privés ». C’est ce que nous rappelle cette histoire, raportée par France 3 :

Le 3 octobre dernier, deux brigadiers de la gendarmerie de l’Yonne effectuent un contrôle de vitesse près de Sens. À la mi-journée, un homme poste une publication injurieuse envers les militaires sur un groupe Facebook privé, destiné à donner des indications sur l’emplacement des contrôles radar.
Les deux gendarmes ont porté plainte. Une enquête a été faite auprès de Facebook, et elle n’a pas traîné. Elle a permis d’identifier un individu de 21 ans, interpellé et placé en garde à vue lundi 8 octobre.

FUTUR PARALLELE

Le Monde a fait la recension des projets les plus fous du laboratoire spécialisé « X » de Google à l’occasion des 20 ans du fameux moteur de recherche.
Des nanorobots pour attaquer les cellules cancéreuses ? " Présenté en 2014, le projet semble avoit été mis de côté". Des drones alimentés par l’énergie solaire, censés offrir un accès à internet aux zones les plus reculées de la planète ? "Le projet a été abandonné en 2017." Le projet Calico, lancé pour faire la guerre au vieillissement ? "Il n’a encore produit aucun médicament ou traitement." Transformer l’eau de mer en carburant ? "Le projet a été abandonné - au moins temporairement". Remplacer le maréchage traditionnel par des fermes-usines verticales ? L’idée a été "abandonnée en 2015, après un constat d’échec : malgré de premiers résultats prometteurs, les chercheurs n’ont jamais réussi à faire pousser des plantes indispensables comme le riz de cette manière." Elaborer un matériau super résistant, mais aussi plus léger que l’air ? "Google n’a jamais reparlé de ce projet", depuis 2016.

Le rôle de Google (pardon Alphabet) dans la fabrique du monde de demain serait-il surévalué ? Le Monde rappelle tout de même que DeepMind (une filiale d’Alphabet) est bien le leader mondial du "deep learning, l’apprentissage automatisé par réseaux neuronaux." Ou que le projet de Google de "cartographie de la santé humaine , visant à collecter les données génétiques et de santé de 10 000 personnes durant quatre ans" a débuté en 2017.

ANONYMATION

Numerama nous apprend l’existence d’un dilemme en matière de protection des données personnelles auquel on n’avait pas forcément pensé... Le problème est lié aux voitures autonomes. Ces dernières utilisent en effet des caméras pour analyser leur environnement, et notamment ne pas provoquer d’accidents. Ce faisant, elles récoltent des tonnes d’images, notamment de passants, de conducteurs et de leurs visages. Or, comme chacun sait, la face est désormais un moyen d’identification (cf, dans cette rubrique, les avancées de la vidéosurveillance) ou d’authentification (cf, dans cette rubrique, l’usage de la biométrie comme "mot de passe" efficace). Le problème de ces caméras c’est qu’elles ne demandent évidemment par leur avis aux badauds - ce qui pose un problème de RGPD comme on dit de nos jours.

Ouf ! Une entreprise allemande a pris le problème à bras le corps.

L’IA de Brighter AI appliquera plusieurs couches de traitements aux images récoltées par les caméras, avant qu’elles ne soient transformées en données. [...] Une de ces couches s’attelle à mettre en place l’anonymat : l’intelligence artificielle va vous attribuer un nouveau visage, bien évidemment différent du vôtre.

L’intelligence artificielle pourra ainsi vous identifier correctement en tant qu’humain, mais sans que vous soyez reconnaissable personnellement. De même, elle va générer une plaque d’immatriculation alternative à la place de la vôtre. Vous allez garder ces images alternatives tant que vous êtes dans l’espace concerné par la capture d’image. Le RGPD limite de façon stricte le périmètre et la durée pendant laquelle vous garderez le même avatar.

HAS BEEN

Le plus féroce concurrent de Google, au moins pour l’accaparement des accès aux internets, semble quant à lui traverser une mauvaise passe. Il y a d’abord cette histoire de méga piratage :

Facebook a précisé que 15 millions de personnes avaient vu leur nom et leurs contacts personnels compromis et que des détails supplémentaires l’avaient aussi été pour 14 millions d’autres usagers.

Pour ces derniers :

Outre le nom et les contacts, les pirates informatiques ont aussi pu avoir accès au sexe, au statut indiquant la situation amoureuse, l’éducation reçue mais aussi à la date de naissance, au lieu d’habitation s’il était renseigné, à l’emploi occupé ainsi qu’aux pages internet et personnes suivies par les usagers concernés.

Le FBI enquête sur l’origine de ce hack et l’usage que les pirates ont pu faire de ces données volées. La CNIL irlandaise, elle, s’intéresse plutôt à la responsabilité de Facebook dans cette affaire. En effet, quand on se permet de pomper de la donnée personnelle à tout va la moindre des choses est quand même de protéger le magot.

Surtout que la boulimie de Facebook ne semble pas avoir de limite. On apprenait ainsi récemment que :

Des chercheurs des Universités de Northeastern et de Princetown ont réussi à prouver que les numéros de téléphone fournis par les utilisateurs Facebook dans le cadre d’une sécurisation à doubles facteurs (2FA) de leur compte, étaient aussi exploités pour leur envoyer de la pub ciblée.

Ou encore que :

Instagram est en train de tester une nouvelle fonctionnalité de suivi GPS partagé avec Facebook. Plus précisement, si cette fonction est activée, elle permettrait le suivi GPS de l’utilisateur, et envoie ces données à Facebook.

C’est peu rassurant de la part d’une entreprise qui a été accusée d’avoir laissé d’autres boîtes accéder un peu trop facilement aux données personnelles de ses utilisateurs (pour faciliter la promotion de la candidature Trump, la société britannique Cambridge Analytica aurait pu s’appuyer sur l’exploitation des données de quatre-vingt sept millions de comptes Facebook).

Sans compter, qu’outre les affaires de tiers (qu’ils soient pirates ou non) « malveillants », Facebook lui-même a été accusé de propager des fausses informations via ses publicités ciblées (payées par des officines russes, c’est le scandale Internet Research Agency).

Le rapport un peu olé-olé de Facebook avec ce que lui confient ses utilisateurs (à savoir une bonne partie de leur existence) fait donc grincer de plus en plus de dents. Et le vent tourne (très très doucement, certes) pour l’entreprise de Menlo Park. Ainsi, selon Le Figaro :

Une étude de l’institut indépendant Pew Research Center montre que 26% des utilisateurs américains de Facebook ont récemment supprimé l’application de leur smartphone. Plus inquiétant encore pour l’entreprise californienne, « cette proportion monte même à 44% chez la jeune génération (18-29 ans) ». La principale cause de ce désamour serait le scandale Cambridge Analytica. L’affaire, qui concerne principalement les internautes étatsuniens n’a visiblement pas été sans conséquence non plus sur le Vieux Continent, puisque’au cours « du deuxième trimestre 2018, Facebook a perdu 3 millions d’utilisateurs actifs quotidiens dans l’Union européenne ».

Selon une autre étude (menée par eMarketer et évoquée par le BDM) l’application Snapchat est devenue plus populaire que Facebook chez les jeunes du Royaume-Uni.

Le rapport prévoit notamment que la barre des 5 millions d’utilisateurs sera dépassée en 2019, contre 4,5 millions pour Facebook qui voit sa fréquentation baisser chez les jeunes.

Chez les plus jeunes (12-17 ans) l’enquête révèle l’apparition d’une nouvelle catégorie d’internaute qui boude complètement le réseau de Zuckerberg, au point de ne jamais l’essayer (les « Facebook-nevers »). Si la fréquentation de Facebook continue d’augmenter au Royaume-Uni c’est donc uniquement dû aux inscriptions de personnes plus agées.

Rappelons que le patron de Facebook avait depuis longtemps prédi ce virage, annonçant déjà en 2013 que son réseau social n’avait plus rien de « cool » :

Les gens pensent que nous essayons d’être cool. Cela n’a jamais été mon but. Je suis la personne la moins cool qui soit [...] Nous avons pratiquement dix ans. Nous ne sommes plus un phénomène de niche ; ce genre de profil cool, c’est fini pour nous.

APARTE TOURISTIQUE

En gardant cela en tête, offrons-nous une petite visite (virtuelle) du siège de Facebook. Ses 8ha, son « style industriel », son rooftop de 30 000m2, ses cours de yoga, sa cantine bio et gratuite. Comme le dit la publ.. le reportage de la Tribune :

Il s’agit du plus grand open space au monde, en phase, selon Facebook, avec sa culture d’open innovation et de travail collaboratif. [...] Le bureau de Mark Zuckerberg, ouvert bien que délimité par des plantes, se situe en plein milieu de l’open space.

Ayant visité le siège de Menlo Park, L’Usine Digitale décrit :

Si l’accueil peut sembler austère, c’est voulu : il s’agit de rappeler aux visiteurs et au personnel les valeurs de simplicité maison. Ici, on pense d’abord praticité et efficience. Message reçu cinq sur cinq. Idem pour les finitions assez rustiques du bâtiment. C’est voulu, assure notre guide, c’est pour rappeler aux 2800 employés du site que rien n’est jamais fini, qu’il faut toujours se remettre en question, ne pas s’endormir sur ses lauriers.

Ces nouveaux bureaux sont constitués d’un seul et unique étage. Là encore, c’est un choix, nous assure-t-on. Le patron de Facebook et son architecte ont voulu signifier que personne n’est au-dessus des autres, que la hiérarchie est plate. D’ailleurs, au milieu de l’immense open space, on nous montre d’un doigt ému la place de Mark Zuckerberg (avec interdiction de la photographier) qui, lorsqu’il vient, siège au milieu des siens, c’est incontestable.

Et au milieu de tout cela :

HAS BEEN (suite)

Avec ce qui précède, peut-on donc déduire que Snapchat est sur la bonne voie pour détronner un jour l’empereur des réseaux sociaux (rappelons qu’en 2013, Snapchat avait refusé une offre de rachat de Facebook, d’un montant de 3 milliards de dollars) ?
Pas de bol, selon Slate.fr :

le nombre d’utilisateurs et utilisatrices de Snapchat a baissé pour la première fois depuis la création de l’application en 2011. 188 millions de personnes ont utilisé l’application de manière quotidienne au deuxième trimestre 2018. Soit 3,7 millions de moins qu’au précédent. Si cette baisse est minime (environ 2%), elle souligne une certaine perte de vitesse.

CONFIANCE

Google et Facebook prennent de plus en plus en compte le manque de confiance grandissant des utilisateurs vis-à-vis de la boulimie des GAFAMs en matière de données personnelles. Exemple récent, relevé par Numerama : le nouveau Google Home Hub n’embarquera pas de webcam, pour écarter d’emblée toute suspicion d’espionnage.

L’argument de Google est, pour le moins, efficace : s’il n’y a pas de webcam, on ne peut pas vous filmer à votre insu. Logique, mais radicale, cette décision est très parlante sur la perte de confiance des utilisateurs vis-à-vis des géants américains des nouvelles technologies, et la méfiance envers les nouveaux objets connectés du quotidien, qui pousse désormais l’industrie à modifier ses propres produits.

La veille de la présentation Google, c’est Facebook qui dévoilait le 8 octobre 2018 son propre appareil connecté à écran tactile appelé Portal et destiné à la visioconférence. Mais tout a été fait pour limiter la crainte des utilisateurs : l’objet a été affublé d’un petit cache en cuir spécifiquement conçu pour oblitérer le champ de la caméra lorsque vous ne l’utilisez pas. Plus radical que tous ses concurrents (et moins digne de confiance également), Facebook a même poussé la privacy à un degré supplémentaire : le bouton qui couple la webcam et le micro déconnecte physiquement ces composants du reste du circuit, ce qui les rend inaccessibles…

CHOUETTE

Le titre de cet article le destinait à finir dans cette rubrique :
« Le sort des abeilles est si préoccupant qu’on a déjà créé des robots pour les remplacer ». On nous apprend ainsi que :

Le MAVLab (Micro Air Vehicle Laboratory) de Delft aux Pays-Bas s’inspire en tout cas de ces petits insectes pour faire décoller son DelFly Nimble. Le petit robot (qui fait quand même la taille d’un bras) pourrait féconder le pistil des fleurs à l’aide de pollen, si jamais les abeilles venaient à se raréfier encore plus dans la nature.
[...]
Les caractéristiques du DelFly Nimble ont l’air prometteuses : s’il est encore tôt pour imaginer un champ de fleurs où des dizaines de mini drones accompliraient leur mission de pollinisation, le sort des véritables abeilles est si préoccupant que l’invention de ce robot n’est pas étonnante. Dans certains endroits du monde, on envisage de planter des hectares de verdure pour sauver les abeilles restantes.

TÊTE CONNUE

Même si vous ne suivez pas la NFL (le championnat nord-américain de football américain), vous avez sûrement entendu parler de l’histoire de Colin Kaepernick, qui protestait contre les meurtres policiers qui touchent principalement les jeunes noirs aux Etats-Unis, qui s’était battu pour que son combat ne soit pas récupéré politiquement (il avait notamment refusé de soutenir Mme Clinton lors de l’élection présidentielle), qui avait été blacklisté par les propriétaires de franchises NFL (il est toujours sans équipe depuis qu’il a quitté les 49ers de SF) mais qui avait pour autant fait des émules dans d’autres équipes de football (par exemple Éric Reid, lui aussi ex joueur des 49ers, qui a subi plusieurs mois de chômage, Kenny Stills et Albert Wilson des Miami Dolphins ou Marshawn Lynch des Oakland Raiders qui ont repris le flambeau à la rentrée).

Vous avez dû apprendre aussi que son équipementier, Nike, venait d’en faire la figure de proue de sa nouvelle campagne de publicité, visant à faire connaître le slogan « Just do it » chez les plus jeunes. La presse européenne avait, lors du lancement de cette campagne, beaucoup relayé les quelques « actions » de protestation de consommateurs mécontents du positionnement « politique » de Nike - et qui du coup brulaient leurs propres baskets. Le patron de Nike a récemment fait un point sur « l’affaire » en annonçant que la campagne de publicité avait en réalité reçu « une adhésion record », et que les ventes de Nike sur son site en ligne avaient explosé.

Colin, lui a l’air de bien se porter puisqu’il vient de déposer et protéger l’image de marque de.. sa propre figure. C’est ESPN qui nous l’apprend :

Colin Kaepernick’s company Inked Flash has filed for the trademark to a black and white image of his face and hair.

The filing, which showed up on the website for the U.S. Patent and Trademark Office on Wednesday but was filed last Friday, says the intent is to use the image on everything from shampoo and hairspray to jewelry and lampshades.

Voici donc avec quelle « image » sa société vendra peut être bientôt des shampooing :

COLLABOS

En juin, le Figaro croyait déceler un début de fronde des employés de la Silicon Valley contre la collaboration de leurs employeurs avec certains projets polémiques du gouvernement américain.

[Google] a provoqué l’ire de certains de ses employés avec un projet d’intelligence artificielle développé pour le Pentagone [permettant] l’analyse précise d’images de drones en zones de guerre. [...] Une pétition pour réclamer l’annulation du projet a récolté plus de 4000 signatures. [...] Une douzaine d’employés ont même démissionné en protestation.

L’entreprise a annoncé début juin que le contrat « avec le Département américain de la Défense ne serait pas renouvelé. » Plus que la fronde de ses employés, c’est l’atteinte à son image d’entreprise « cool » qui semblait inquiéter les hauts responsables de l’entreprise américaine.

« Nous devons réfléchir à un bon angle pour la presse sur notre collaboration avec le Département de la Défense, quelque chose de sympa comme le stockage, la sécurité ou les réseaux, mais éviter À TOUT PRIX de parler ou d’impliquer l’utilisation d’une intelligence artificielle », s’alarmait Fei-Fei Li,

Quelques semaines plus tard c’est Amazon qui faisait face au même genre de problème. En cause cette fois " le développement d’un outil de reconnaissance faciale, et surtout sa vente aux forces de police". Mais aussi Microsoft, "critiqué pour sa collaboration avec l’ICE, l’agence en charge de l’immigration aux États-Unis"

DROIT ET IA

Peu avant l’été, et alors que la Gendarmerie se félicitait de l’opération sur la ZAD de Notre Dame des Landes, le Ministre de l’Intérieur Gérard Collomb faisait le point sur une année éprouvante pour le maintien de l’ordre français.

Relativement heureux de la gestion actuelle des manifestations - « il n’y aura pas de nouvelle doctrine » - l’Intérieur évoquait tout de même deux pistes pour l’améliorer. La première se situait du côté de la judiciarisation des (nombreuses) interpellations effectuées en marge des manifestations. Sous quel prétexte peut-on emmener un manifestant en garde-à-vue quand on ne peut pas établir qu’il a agressé une vitrine ou un membre des forces de l’ordre ? Ou mieux encore, comment empêcher « préventivement » les possibles fauteurs de troubles de se rendre aux manifestations ?

« Les services ont identifié certains meneurs, il y a aussi sûrement de petits groupes assez structurés derrière eux, et il faudrait pouvoir agir en prévention, explique-t-on Place Beauvau. Le sujet est : comment caractériser l’intention probable de passer à l’acte ? Il y a peut-être quelque chose à trouver du côté de “l’association de malfaiteurs”. »

La deuxième piste évoquée par le Ministère de l’Intérieur ne nécessitait pas « de groupe de travail avec la chancellerie ». Il s’agissait de se doter de moyens techniques permettant un meilleur traitement des nombreuses données issues de la surveillance. Notamment de la vidéosurveillance. On sait qu’en plus de la masse d’images de manifestations circulant sur les réseaux sociaux, les forces de l’ordre produisent eux-mêmes de nombreuses photos et vidéos (parfois en se faisant passer pour des photojournalistes, comme ce fut le cas à Paris, parfois en se mêlant à la foule, parfois encore, comme à Nantes, en installant des caméras de vidéo-surveillance « provisoires » sur le parcours des défilés contestataires). C’est tout le paradoxe de la surveillance : une trop grande collecte de données peut vite aboutir à un fatras inutilisable. Paradoxe en passe d’être réglé par les nombreuses avancées dans la gestion des grandes sommes d’informations (les fameuses big datas).

Or selon TV5 :

L’annonce récente par le CNRS de la signature d’une convention avec la Direction du renseignement militaire (DRM) confirmel’intérêt des services de l’Etat pour le développement d’intelligences artificielles de reconnaissance d’image, comme Fabrice Boudjaaba, le directeur adjoint scientifique de l’Institut des sciences humaines et sociales du CNRS l’explique : « Les questions liées à l’Intelligence artificielle sont évidemment centrales. Les recherches sur la reconnaissance automatique d’image intéressent particulièrement le renseignement militaire. En effet, leur principal problème du renseignement aujourd’hui n’est pas le manque d’information, mais bien le trop plein d’information qui peut submerger et finalement paralyser l’outil de renseignement. »
Si les technologies innovantes d’analyses d’image par intelligence artificielle pour la DRM sont avant tout liées à des théatres d’opérations à l’étranger, il n’est pas interdit de penser que ces recherches publiques seront utilisées aussi pour du renseignement intérieur ou de l’investigation policière.

La CNIL s’est d’ailleurs récemment inquiétée du développement de la vidéosurveillance, lorsqu’elle s’articule « avec des technologies de Big Data » .

le sentiment de surveillance renforcée, l’exploitation accrue et potentiellement à grande échelle de données personnelles, pour certaines sensibles (données biométriques), la restriction de la liberté d’aller et de venir anonymement, sont autant de problématiques essentielles pour le bon fonctionnement de notre société démocratique », met en garde l’instance administrative.

Elle avait d’ailleurs récemment épinglé l’expérimentation (désormais stoppée) de l’application Reporty à Nice.

Celle-ci servait à signaler à la police tout évènement qui nécessiterait l’intervention des forces de l’ordre. Rien d’anormal, sauf que ces alertes étaient accompagnés d’un enregistrement vidéo et sonore.

Pendant ce temps le ministre de l’intérieur voit plus loin. Toujours dans son bilan d’« 1 an de maintien de l’ordre » en France elle espère que l’IA (couplée à la vidéo-surveillance) permettra bientôt, outre de retrouver a posteriori les délinquants, d’agir préventivement contre le passage à l’acte delictueux :

En matière d’exploitation des images et d’identification des personnes, on a encore une grande marge de progression. L’intelligence artificielle doit permettre, par exemple, de repérer dans la foule des individus au comportement bizarre

Une simple fanfaronade ? Déjà en février, Gérard Collomb, faisant le point sur la numérisation de la police (rendue nécessaire par le fait que les délinquants seraient eux-aussi rentrés dans « l’ère cyber » - il parle notamment d’« uberisation des cambriolages ») évoque la possibilité que les cerveaux de la police soient désomais épaulés (guidés ? remplacés ?) par l’intelligence artificielle.

Nous allons développer des outils d’aide à la décision. Nous n’avons pas le même type d’acte de criminalité et de délinquance dans tous les territoires, et ils ne se produisent pas aux mêmes moments. À l’étranger, des forces de sécurité utilisent déjà des outils d’aide à la décision pour projeter les bonnes forces aux bons endroits. Pour le moment nous le faisons de manière artisanale, grâce à l’expérience des agents, mais nous allons analyser les données avec de l’intelligence artificielle pour être encore plus efficaces. Une expérimentation a ainsi été lancée dans onze départements.

De l’aide à la prise de décision à la décision tout court, il n’y a qu’un pas. Ces expérimentations ne sont d’ailleurs pas sans rappeler le fameux (et déjà « vieux ») programme Prepol de la police de Los Angeles, où les patrouilles de police sont effectivement réparties sur le territoire par des algorithmes.

Pour aller plus loin, France 24 ,nous apprenait au même moment que des polices belges et anglaises utilisaient aujourd’hui le programme VALCRI (Visual Analytics for Sense-making in CRiminal Intelligence analysis) pour aider à résoudre des enquêtes criminelles.

Une intelligence artificielle dont le but est d’aider la police criminelle à résoudre ses enquêtes, en explorant, entre autres, des pistes sur lesquelles des agents de chair et d’os ne se seraient pas forcément aventurés, faute de temps, de moyens, d’impartialité… et sans doute d’extravagance, dans certains cas.
[Il]a fallu lui faire « avaler » près de 6,5 millions de dossiers anonymisés, chacun composé de rapports de police, de photographies, d’enregistrements audio ou encore de vidéos. L’équivalent, cela dit, d’à peine trois ans d’affaires. Une fois ce matériel nécessaire à son apprentissage ingurgité, VALCRI a pu commencer à s’atteler à ses différentes missions : reconstruire des situations, formuler des hypothèses et suggérer des pistes d’investigation.

SECRET DEFENSE

Selon Le Parisien, un agent de la DGSI a a été placé en garde à vue, puis mis en examen le 26 septembre à Nanterre et finalement en détention provisoire. Il risque jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende pour violation du secret défense. Appartenant à « une division sensible du principal service de renseignement intérieur français » il est soupçonné d’avoir revendu des infos « provenant des fichiers confidentiels de police ». Le policier aurait « noué des contacts avec des membres du monde de la criminalité organisée » ainsi qu’avec « des spécialistes de l’intelligence économique intéressés », auxquels il aurait refourgué des données, qu’il se faisait payer en Bitcoin.

Les agissements qui lui sont reprochés ont été initialement détectés par la police judiciaire. Les investigations ont ensuite été confiées au service de sécurité interne de la DGSI qui, pour confondre son agent, s’est appuyé sur la traçabilité des interrogations de fichiers. Chaque fonctionnaire dispose en effet d’un code personnel, indispensable pour se connecter à son ordinateur et pour effectuer des consultations. Les processus internes de sécurité permettent de retracer en temps réel ou de manière différée l’origine des interrogations de fichiers.

M0T D3 P4SS3

La presse française et les réseaux sociaux ont récemment relayé une décision du Conseil Constituionnel qui semble rendre obligatoire (sous peine d’être poursuivi par la justice) de donner le code de dévérouillage de son téléphone chiffré (les smartphones équipés de systèmes d’exploitation récents sont chiffrés par défaut)(ou de son ordinateur) à un policier qui vous le demanderait en garde à vue.

Après s’être penché sur la question, Numerama tempère quelque peu cette affirmation. Certes l’article 434-15-2 du code pénal prévoit "une peine de prison maximale de 3 ans et une amende 45 000 euros" en cas de refus de donner son mot de passe de déverrouillage si "le moyen de cryptologie qui y est associé est « susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit »."

De plus,

Le plafond passe à 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende s’il est avéré que le refus de fournir ce code « aurait permis d’éviter la commission d’un crime ou d’un délit ou d’en limiter les effets »

Et pourtant :

Une lecture attentive de la décision montre que si l’article est bien compatible avec le texte de 1958, l’instance a pris soin d’en encadrer la portée en ajoutant un certain nombre de conditions pour pouvoir l’utiliser effectivement contre une personne suspectée d’avoir commis un crime ou un délit et d’avoir utilisé dans ce cadre un service ou un terminal chiffré.
Pour le dire en peu de mots, trois conditions sont demandées pour faire jouer l’article 434-15-2 : il faut démontrer que le suspect a connaissance du code de déverrouillage pour le service ou le terminal relatif au forfait qui lui est reproché ; il faut aussi prouver que cette demande a un intérêt pour l’enquête, avec l’existence de données chiffrées potentiellement liées à l’affaire et qui intéresseraient donc l’instruction.

Pour pouvoir être poursuivi pour avoir refusé de donner accès à son smartphone, il faut donc qu’il existe des soupçons suffisamment importants que ce téléphone ait pu aider à la commission d’une infraction. Mais surtout :

Enfin, et c’est un aspect très important, une telle exigence ne peut émaner que d’une autorité judiciaire. Les officiers de police judiciaire, aussi compétents ou insistants soient-ils, ne sont pas une autorité judiciaire. L’ordre de fournir le code d’accès doit provenir, par exemple, d’un juge d’instruction, et à la condition que les deux autres critères soient aussi respectés.

M0T D3 P4SS3 (bis)

Si la question de savoir quand la police peut menacer quelqu’un de poursuite pour le forcer à ouvrir l’accès au contenu de son smartphone est si importante c’est que les polices occidentales s’inquiètent depuis de nombreuses années de la démocratisation de technologies de chiffrement plutôt solides.

Jusqu’à présent elles comptaient pouvoir faire pression sur les GAFAM pour les contraindre à mettre en place des moyens techniques permettant aux services de police de toujours pouvoir accéder facilement à des contenus pourtant chiffrés. Depuis l’affaire Prism, les GAFAM (tout du moins officiellement), au premier rang desquels Apple, s’y refusent.

Le mois dernier, nous apprend Korben, les Five Eyes, « alliance des services de renseignement des États-Unis, Royaume Uni, Australie, Canada, Nouvelle-Zélande » ont une nouvelle fois solenellement demandé aux « fournisseurs de services en ligne que sont Apple, Facebook, Google et bien d’autres [...] de mettre en place des backdoors « légales » dans leurs outils pour que les services de renseignement puissent aller farfouiller là dedans librement (sur décision d’un juge évidemment…). »
Une demande accompagnée évidemment de menaces :

« Si les gouvernements continuent de rencontrer des obstacles à l’accès légal à l’information nécessaire pour aider à la protection des citoyens de nos pays, nous pouvons prendre des mesures technologiques, législatives, coercitives, législatives ou autres pour parvenir à des solutions d’accès légal ».

A noter que si la France veut jeter en prison les suspects qui se refuseraient à donner accès à une "autorité judiciaire" au contenu de leurs ordinateurs et téléphones, l’Allemagne a de son côté pris une voie un peu différente.

Numerama explique que "le parlement allemand a fait passer une loi l’été dernier qui « fixe les lignes directrices pour l’utilisation des chevaux de Troie lors des enquêtes. La loi permet aux enquêteurs d’examiner les communications numériques avant que les procureurs ne commencent à enquêter sur les suspects".

Ainsi :

Selon les éléments du journal Süddeutsche Zeitung et de WDR et NDR, les services publics audiovisuels de certains États fédérés, le ministère de l’Intérieur allemand se sert d’un outil pour accéder en clair à certaines informations avant qu’elles ne soient chiffrées par le terminal pris pour cible.
[...]
La presse outre-Rhin indique que cet outil sert à la police fédérale (BKA) quel que soit le terminal : smartphone, tablette, ordinateur de bureau ou ordinateur portable. Et le BKA soutient que l’utilisation de ce logiciel lui permet d’enquêter plus efficacement dans les affaires liées au numérique, jugeant, comme d’autres, que la progression des outils de chiffrement constitue une difficulté croissante.

A titre de comparaison, de tels outils ne peuvent être (officiellement) utilisés par la police française qu’à la demande d’un juge ’instruction et pour un nombre restreint de crimes et délits.

Pour finir sur le sujet, notons que la Macronie a semble-t-il délaissé, pour le chiffrement de ses communications, l’application russe Telegram, et l’Etat français aurait lancé (ou serait en passe de lancer), pour ses besoins, le développement d’un système de messagerie chiffré de bout en bout.

Si Macron l’a fait (arrêter Telegram), vous pouvez le faire aussi. Les plus courageux se pencheront sur ce tableau comparatif : https://www.securemessagingapps.com/. Les autres se tourneront vers Signal, tout en restant à l’affut des autres solutions en développement.

ENFIN

Vous vous souvenez peut-être du projet de magasins Amazon Go, ces superettes qui promettent de faire disparaître et l’argent et les caisses et le vol :

Vous serez heureux d’apprendre que, selon Bloomberg, Amazon prévoit d’en ouvrir 3000 d’ici 2021 (il en existe une, pour l’instant, à Seattle).

En France, c’est le groupe Casino qui s’y essaie, avenue Franklin Roosevelt à Paris. Si nos lecteurs du 8e arrondissement veulent y faire tour, nous seront contents qu’ils nous racontent à quoi peut bien ressembler l’enfer.

PS

Un lecteur nous a envoyé l’image qui suit. Si nous avons bien compris, il s’agissait de nous alerter sur l’arrivée des trotinettes en libre-service de la société Lime en province, à Lyon et Bordeaux.

La photo nous a plutôt fait penser à cet article paru récemment sur lundimatin.

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