Cauchemars et facéties #2

C’est plaisant de se balader sur internet.

Cauchemardos - paru dans lundimatin#30, le 5 octobre 2015

Rappel

En introduction de la liste de liens qui va suivre, du chapelet d’onglets que vous obtiendrez en ayant lu cette revue du web, rappelons cette tribune de Hossein Derakhshan, blogueur iranien qui vient de retrouver internet après 6 années d’emprisonnement. Or, internet a changé.

 C’est le stream qui domine dorénavant la manière de s’informer sur le Web. Alimentés en continu par un flux interminable d’informations sélectionnées pour eux par des algorithmes complexes et mystérieux, les internautes vont de moins en moins directement sur des pages qu’ils choisissent délibérément de consulter. Le stream signifie que vous n’avez plus besoin d’ouvrir tout un tas de sites Internet. Vous n’avez pas besoin d’un chapelet d’onglets. Vous n’avez même plus besoin de navigateur. Il vous suffit d’ouvrir Twitter ou Facebook sur votre smartphone pour plonger.

 

 La conséquence la plus effrayante de la centralisation de l’information, c’est autre chose : c’est le fait qu’elle nous affaiblisse face aux gouvernements et aux entreprises. La surveillance ne fait que se renforcer avec le temps. Nous devons tous finir par nous habituer à l’idée d’être observés et, malheureusement, cela n’a rien à voir avec notre pays de résidence. L’ironie de la chose, c’est que les Etats qui coopèrent avec Facebook et Twitter en savent beaucoup plus sur leurs citoyens que ceux, comme l’Iran, où l’Etat contrôle Internet avec une poigne de fer, mais n’a aucun accès légal aux entreprises de médias sociaux. Or, ce qui est encore plus effrayant que d’être observé, c’est d’être contrôlé. Quand, avec seulement 150 likes, Facebook peut nous connaître mieux que nos parents et, avec 300 likes, mieux que notre compagne ou compagnon, le monde paraît bien prévisible, pour les gouvernements et pour les entreprises. Et la prévisibilité, c’est le contrôle. 

« Nous ne voulons pas de bars à gin éphémères ou de pains briochés à burger »

C’est l’histoire d’un  bar à céréales  qui, à Londres, sert au petit-déjeuner des choco pops à près de 5 euros le bol.  Situé à Shoreditch, refuge working-class des populations immigrées devenu le terrain de jeu favori des hipsters locaux, le bar à céréales est devenu le symbole de la gentrification des quartiers populaires, où les boutiques décalées s’adressant à une niche aisée remplacent les bazars et les commerces bon marché. L’établissement, ouvert par des jumeaux irlandais, avait même eu l’honneur d’un reportage dans le JT de Channel 4. Les patrons de Cereal Killer avaient alors mis brutalement fin à l’interview quand le reporter leur avait demandé s’ils pensaient que les locaux avaient les moyens de déjeuner dans leur boutique alors qu’un enfant sur deux dans le quartier vit sous le seuil de pauvreté  raconte Libération.

Cette semaine, une Fuck Parade censée combattre la gentrification avec des Soundsystems, des cracheurs de feu et des feux d’artifice et organisée par le groupe Class War a  attaqué  la boutique à coups de jets de peinture et de céréales. La police anti-émeute a été dépêchée sur place, et l’un de ses agents blessé lors de l’intervention. Une vitrine d’agence immobilière a aussi été brisée.

On se serait cru au Moyen-Âge, avec une foule enragée et des torches a déclaré l’un des propriétaires de la boutique.

Fest-noz

Nous ne sommes ni à Paris, ni à Marseille mais les risques sont de plus en plus grands . Ils sont à Sarzeau, 7700 habitants, où la mairie a décidé que les policiers municipaux (ils sont trois) pourraient porter désormais une arme à feu. Quatre autres petites communes bretonnes (ayant chacune un policier municipal) devraient lui emboiter le pas.

Les attentats qui ont eu lieu sur le territoire français début 2015 ont coûté la vie à trois policiers et ont une fois de plus démontré de façon tragique que nos forces de l’ordre sont devenues des cibles privilégiées , a dit le maire, David Lappartient.

Pourtant quand on lui demande d’expliquer dans quels cas les armes à feux auraient été (ou seront utiles) aux policiers, le maire parle de tout autre chose :  Un fait a marqué le maire de Sarzeau. L’arrestation, l’an passé, lors d’un fest-noz, d’un individu qui portait un couteau de boucher. Les gendarmes sont parvenus non sans peine à l’interpeller, quelques minutes avant que les policiers municipaux n’interviennent. 

On imagine la scène sans mal (on notera surtout que les policiers sont arrivés trop tard). Dans cette histoire de flingues, Daesh a bon dos.

Optimisme

Fabius a osé un détournement de Lévi-Strauss pour clore l’une de ses interventions sur la COP21. Claude disait : Le monde a commencé sans l’homme et il s’achèvera sans lui. Le ministre, lui : Le monde a commencé sans l’Homme, c’est un fait. Et le risque est qu’il se prolonge sans lui. Ah, chanter la catastrophe. Cela flatte, et cela aiguise, notre jouissance de vivre une époque à nulle autre pareille.

Moteur de recherche et politique

Le lycéen Anmol Tukrel aurait programmée un moteur de recherche plus efficace que Google…  Ce nouveau moteur de recherche puise dans les préférences et historique de recherche des utilisateurs pour proposer des résultats adaptés à chacun. L’un des exemple donné est assez emblématique. Imaginons 2 personnes, un qui soit pro-israëlien et l’autre pro-palestinien et que les deux recherchent des informations sur le conflit à Gaza, les résultats de chacun seront singulièrement différents. Le moteur d’Anmol Tukrel s’annonce donc comme politiquement personnifiable… et risque surtout de favoriser la bulle de filtre des contenus auxquels nous sommes soumis en renforçant certaines de nos tendances à l’aune de l’historique de nos lectures. Un moteur qui pousse plus loin le problème des préférences des utilisateurs et l’influence des algorithmes sur nos choix. 

Cela rappelle que, bien qu’il soit devenu Alphabet et malgré ses projets fous, la puissance politique de Google réside encore dans le fait qu’il est le moteur de recherche le plus utilisé au monde.

Anarchie.

On annonçait la semaine dernière la fin du travail (ou en fait non) grace au développement technologique. On passe aujourd’hui à la fin de l’école :  Certains théoriciens de l’éducation britanniques ont fait valoir qu’on pourrait supprimer les enseignants, les salles de classe, les manuels scolaires et autres conférences et laisser simplement les étudiants chercher eux-mêmes leurs informations sur internet. 

 Si tout se trouve en ligne, quel est donc l’intérêt à passer des années à apprendre à l’école et à l’université ? Bientôt, peut-être, une fois que les enfants auront appris les rudiments de la lecture et de l’écriture, on peut imaginer qu’ils iront faire leur éducation sur internet, avec des moteurs de recherche comme Google, à chaque fois qu’ils veulent savoir quelque chose. 

Police du karma.

Le 1er octobre, les quelques députés présents à l’Assemblée Nationale (et malgré notre article de la semaine dernière sur l’espionnage massif opérée par le Royaume-Uni) ont adopté la loi sur la « surveillance des communications électroniques internationales ». (Lire ici aussi).

Ainsi la France pourra, elle aussi, aller pomper directement dans les cables internet sous-marins (elle le faisait déjà, mais chut !), comme dans ceux de Penmarch’, dont nous vous parlions la semaine dernière, et que vous avez certainement depuis été voir de vos propres yeux.

Arnaque

Nous rappelions la semaine dernière que l’usage d’internet pouvait parfois s’assimiler à du travail non rémunéré. Ainsi, un utilisateur américain rapporte un peu plus de 45 dollars par an à Facebook. Les Français sont visiblement moins productifs puisqu’ils ne sont valorisés qu’à hauteur de 11 euros.

Notation

Les gens font tellement de recherches quand ils achètent une voiture ou prennent ce genre de décisions, explique au Washington Post Julia Coudray, l’une des co-fondatrices de l’application Peeple, pourquoi ne pas faire le même genre de recherche pour d’autres aspects de votre vie ? 
Vous serez en mesure d’assigner des critiques et des étoiles, de une à cinq, à toutes les personnes que vous connaissez : vos ex, vos collègues, le vieux monsieur qui vit à la porte à côté

La honte

Myriam, dans sa vie précédente, était œnologue, puis commerciale pendant dix ans. Elle avait ‘envie de changer’, est tombée par hasard sur un visuel de la campagne de recrutement de 2002. ‘Au départ, je n’ai pas osé dire à ma famille que j’avais un nouveau métier, avoue-t-elle.’
David en est convaincu : sa vie aurait été ‘morne’ sans [son nouveau métier]. ‘J’étais employé de banque, toute la journée assis à ouvrir des comptes, j’avais l’impression de faner sur place. Aujourd’hui, au lieu de gérer des comptes, je gère de l’humain, c’est quand même beaucoup plus intéressant.’

Ils sont… ils sont… matons !

Injustice et bactéries

 On considère généralement que les obèses sont paresseux, qu’ils se laissent aller. Ce n’est pas le cas. Si les résultats de nos recherches sont exacts, vous avez besoin de manger moins et de faire plus de sport pour avoir la même corpulence que vos parents à votre âge. 

The Atlantic rapporte une étude de l’Obesity Research & Clinical Practice qui conclut que, même en mangeant la même chose qu’il y a 20 ans (et en faisant autant de sport), on pèse aujourd’hui 10% de plus.

 Une personne avalant, en 2006, la même quantité de calories, de protéines, de gras, et pratiquant autant d’exercice qu’une personne du même âge en 1988, a un indice de masse corporelle de 2,3 points supérieur à cette dernière. En d’autres termes, les gens aujourd’hui pèsent 10% de plus que dans les années 80, même s’ils ont le même régime alimentaire et les mêmes habitudes sportives. 

Pourquoi ? Le gras serait-il plus gras aujourd’hui qu’il y a vingt ans ? Le problème se situerait moins du côté de la nourriture que du corps humain, et de sa capacité (moindre) à assimiler cette nourriture. Les produits chimiques comme les conservateurs et les pesticides modifient le système hormonal. Les antidépresseurs sont connus pour favoriser la prise de poids. La viande aux hormones et aux antibiotiques entraîne une modification des bactéries qui peuplent nos systèmes digestifs.

En vrac

Crash vert
La croissance « verte » se base, en tout cas dans son acception actuelle, sur le tout-technologique. Elle ne fera alors qu’aggraver les phénomènes que nous venons de décrire, qu’emballer le système, car ces innovations « vertes » sont en général basées sur des métaux moins répandus, aggravent la complexité des produits, font appel à des composants high tech plus durs à recycler. Ainsi du dernier cri des énergies renouvelables, des bâtiments « intelligents », des voitures électriques, hybrides ou hydrogène… dit l’ingénieur Philippe Bihouix.

L’idéologie californienne
D’une certaine manière, la Silicon Valley est devenue un projet politique. Facebook, par exemple, vous soumet à la pression permanente de votre réputation, et vous incite à voir le monde comme un entrepreneur. On accuse souvent la classe politique d’être ignorante de la chose numérique, mais le problème, c’est que les geeks se retrouvent à essayer de proposer des solutions parce que personne d’autre ne le fait. Et leur discours est empreint de l’idéologie californienne. Evgeny Morozov dans Télérama.

Racisme (peu) dissimulé
La mairie de Chalon-sur-Saône a mis fin aux menus sans porc qui étaient servis depuis plus de 20 ans dans ses cantines.

Estronazi
Un drapeau nazi ornait lundi matin le palais des Rois sardes pour les besoins d’un tournage. Une image qui n’a pas manqué de faire réagir les passants selon Nice Matin.

Mauvais vin
L’aplasie médullaire touche 160 personnes en France chaque année.
3 cas ont été recensés à 10km à la ronde, au sud de Nantes. Les familles mettent en cause les pesticides répandus sur les vignes voisines.

Nique la police
Deux policiers ont été condamnés (à payer 1000 euros d’amende) pour avoir exhibé leurs parties intimes devant le monument aux morts de la Ferté-sous-Jouarre .

Bis
On leur a dit qu’on venait juste de se faire contrôler. Et le ton est monté. Je me suis approché et un des policiers m’a gazé à bout portant. Le groupe se disperse alors. Nabil rentre chez lui. Je me suis lavé le visage à l’eau. Quand je me suis réveillé le lendemain, j’avais les yeux collés et le visage boursouflé. Je suis allé à l’hôpital.

Banksy, bientôt la zad ?
Dismaland, le parc d’attractions de Banksy installé depuis août à Weston-super-Mare, une station balnéaire désertée près de Bristol, en Angleterre, a fermé ses portes hier, comme prévu, après 5 semaines d’exploitation, et va déménager à Calais. Ou presque. L’installation éphémère, dont le démontage a débuté ce matin et pourrait prendre jusqu’à trois semaines, va servir à loger les réfugiés de Calais. nous apprend Libération.

Cauchemardos est le véritable roi d'internet. Suivez-le sur son compte twitter @cauchemardos
lundimatin c'est tous les lundi matin, et si vous le voulez,
Vous avez aimé? Ces articles pourraient vous plaire :