Calais : un PDG qui se réjouit, une mairesse qui fait la fête, des migrants dans des containers.

« Quant au début de cette année, il est excellent »

paru dans lundimatin#45, le 25 janvier 2016

Un lecteur insomniaque de lundimatin a récemment eu la bonne idée de lire les « pages éco » du journal Le Monde. Sans ce laborieux travail de vigie, nous serions certainement passés à côté de l’interview historiale queM. Jacques Gounon, président-directeur général d’Eurotunnel a accordé le 21 janvier au quotidien du soir et plus précisément à son reporter : Denis Cosnard (sic).

Extraits

"À Calais, Eurotunnel vient d’inonder des terrains où passaient les migrants. Cette crise a-t-elle bouleversé votre activité ?

— Cette crise est un drame pour l’Europe et d’abord pour les victimes. Dix clandestins sont morts sur notre site. Comme entreprise transfrontalière, nous avons un rôle difficile : nous opérons sur le passage d’une frontière et nous devons protéger nos personnels et les chauffeurs de camions qui sont souvent agressés. Et aussi ces hommes, jeunes et agiles, qui veulent entrer en Grande-Bretagne à tout prix, y compris celui de leur vie. Ils montaient dans les camions ou essayaient de grimper sur les trains, quitte à prendre des risques inouïs. Nous avons mis en place graduellement des mesures pour empêcher que les migrants passent de façon clandestine en Angleterre. Nous avons donc renforcé la sécurité sur toute l’emprise d’Eurotunnel à Calais, soit 660 hectares, l’équivalent de deux arrondissements parisiens.

— Comment ?

— Nous avons érigé des grillages sur les 40 kilomètres de périphérie du tunnel et inondé certains terrains. Cela représente plusieurs dizaines de millions d’euros de travaux, financés par la Grande-Bretagne.

— Pour quel résultat ?

— Depuis la fin octobre, plus aucun migrant ne passe de façon clandestine par le tunnel. Et globalement, le flux de ceux qui tentent de passer se tarit. Dans les camions, on n’en trouve plus que 10 à 30 par nuit. Ils se rendent compte que leurs efforts sont voués à l’échec.

— Pourquoi ?

Ceux qui découpent les grillages sont arrêtés par les gendarmes. Ceux qui se cachent dans les camions sont repérés. Certains conducteurs avertissent les gendarmes de leur présence. On les retrouve aussi grâce aux détecteurs de battements de coeur ou de CO2. Dans tous les cas, ils sont ramenés à la jungle de Calais.

— Cette crise a-t-elle pesé sur vos résultats ?

Assez peu. Les migrants ont causé des retards, des perturbations, qui ont entraîné sur l’année un baisse de 17% du nombre de trains de marchandises, et de 42% sur le seul dernier trimestre. Mais le trafic des passagers dans nos navettes et celui des camions ont été beaucoup moins touchés. Et le nombre de passagers sur les trains Eurostar est resté stable sur l’année malgré la chute du tourisme après les attentats de novembre. Au total, en excluant l’activité maritime que nous avons stoppée, notre chiffre d’affaires a augmenté de 5%, à 1,2 milliard d’euros. Nous dépendons avant tout de l’économie britannique, qui se porte bien, et nous pouvons augmenter nos prix un peu plus que l’inflation. Quant au début de cette année, il est excellent."

Adendum


Notons que samedi 23 janvier, quelques dizaines de migrants ont occupé un ferry à l’occasion du manifestation en leur faveur ayant réuni environ 2000 personnes. En réponse à cette action politique, une manifestation anti migrant était organisée le lendemain. L’une des participante, la maire de Calais Natacha Bouchart, précise à BFMTV « ce n’est pas une manifestation anti-migrants » mais un rassemblement des acteurs « pour donner une image positive », un « événement festif qui veut montrer ce qu’est une ville portuaire ». Comme quoi il est possible de vivre calais tout en gardant un certain sens de la fête.

Mise au point

Récemment, un architecte a pu se rendre dans le nouveau camps « La Vie Active » de Calais. De cette visite, il a ramené ces quelques photos non-autorisées accompagnées du commentaire suivant :
"Un alignement de containers numérotés, une implantation purement technique en dépit du bon sens par rapport au site et au programme extrêmement sensible.
Visiblement un centre qui doit accueillir 1500 personnes conçu sans architecte. En face, la Jungle, construite au fils du temps par les migrants, les ONG et écoles d’architectures, finit par trouver son âme, celle de la « Ville-Monde » dans laquelle vivent irakiens, afghans, érythréens, soudanais, britanniques, belges, français. 140 personnes sont aujourd’hui hébergées dans ces containers. Mais ces logements sans douches sans cuisines mais avec un contrôle d’accès biométrique de la paume de la main sont vides. Les migrants sont là pour passer, mais pas pour s’installer dans ce camps concentrationnaire et
policier.
Comment notre société arrive-t-elle à proposer d’entasser des corps
vivants dans des containers ? "










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