3 juillet 1969 - Les ouvriers de la fiat embrasent turin

Oreste Scalzone contre la montre

paru dans lundimatin#44, le 18 janvier 2016

L’histoire est écrite par les vainqueurs, c’est un fait entendu. Ce n’est pas un hasard que l’on ne sache rien, ou presque, en France, de ce qui s’est déroulé pendant plus d’une décennie de l’autre côté des Alpes : la naissance d’un mouvement insurrectionnel de masse et son écrasement.

L’Italie, dans les années 70, c’est avant tout l’explosion de toutes les formes classiques de la politique. Dans son excellent livre Autonomie !, Marcello Tari désigne un communisme « impur, qui réunit Marx et l’antipsychiatrie, la Commune de Paris et la contre-culture américaine, le dadaïsme et l’insurrectionnalisme, l’opéraïsme et le féminisme ». L’autonomie fut un mouvement de refus de masse dans la jeunesse. Refus de l’État et du capitalisme autant que des syndicats et de la gauche parlementaire. Refus de la représentation, du travail et de la distribution des subjectivités. Ce fut une guerre civile de basse intensité autant qu’une décennie d’expérimentations politiques, affectives et révolutionnaires.

Oreste Scalzone fut, entre autres choses, l’un des dirigeants de Potere Operaio, une organisation née en 1969. Trois axiomes politiques sont privilégiés : le refus du travail, la construction d’un parti de l’insurrection et la conflictualité permanente. La carrière politique de M. Scalzone lui valu les honneurs de la justice italienne qui l’arrêta en 1979 afin de le poursuivre pour association subversive terroriste et « tentative d’insurrection armée contre le pouvoir de l’État ». Il parvint à fuir l’Italie et à se réfugier en France.

Lundimatin a choisi de demander l’impossible à M. Scalzone : raconter dix années en dix dates à raison de dix minutes par date. Un feuilleton forcément lacunaire, une bataille contre la montre. Comme vous le verrez au fil des épisodes, le vainqueur ne fut pas la montre.

Chaque semaine, nous tenterons autant que possible, d’illustrer chaque date par des textes d’époques, des affiches, des journaux et des analyses. Il s’agira d’une tentative humble de comprendre ce passé, à partir de notre présent.

1968 se termine sur les chapeaux de roue. Le 7 décembre, alors que toute la bourgeoisie milanaise se rend à la première de la Scala, des centaines de manifestants sont là pour les lapider d’oeufs et de condiments. Préhistoire de l’entartage. En écho à Pise, le 31 décembre, des étudiants décident d’aller gâter le réveillon des milliardaires qui a lieu à la Bussola. La police tire dans le dos d’un étudiant, deux jours d’émeutes.

Il est prévu qu’à l’automne 1969, les grands contrats collectifs de travail soient rediscutés. Préventivement, la mouvance opéraïste « qui n’avait pas fait le choix de la longue marche dans les institutions et dans le PCI » fonce dans les usines pour radicaliser les ouvriers. Le mot d’ordre est d’anticiper la renégociation des contrats de travail et d’inciter à débrayer sans s’en référer aux syndicats. Le 28 mai 1969 les ouvriers de la Fiat de Turin débrayent.

À cette période, Fiat embauche 15 000 ouvriers, c’est à dire 60 000 personnes qui débarquent à Turin. La question du logement explose. Le 3 juillet 1969, les ouvriers prennent la rue, brûlent les voitures sur les camions qui les transportent : sabotages, dévastations et charges des carabiniers. S’ensuivent 2 nuits et 3 jours d’émeutes insurrectionnelles.

3 Juillet 1969 - Les ouvriers de la fiat embrasent Turin

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